Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/312

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passer ? disait la France. Par le pays ? Il ne s’y prêtera jamais. Il faudra donc recourir à des mesures d’exécution, et dans ce cas qui en sera chargé ? La Porte seule ? L’Autriche conjointement avec la Porte, etc. ?… En supposant donc qu’on prononçât l’annulation du vote passé, les moyens d’exécution feraient entièrement défaut, et cette décision serait frappée de nullité… » Ce fut là le côté piquant, pour ainsi dire initiateur, de ces affaires des principautés, où la France finit par triompher de l’opposition des cabinets de Saint-James et de Vienne avec l’aide de celui de Saint-Pétersbourg. — On ne parlera que pour mémoire d’une autre complication, celle du Monténégro, dont le prince, ancien protégé et salarié du tsar, était venu visiter le souverain de la France après la paix de Paris, et eut dès son retour des démêlés avec le sultan, à la suite desquels l’Algésiras et l’Impétueuse parurent devant Raguse. Des vaisseaux français dans les eaux d’Orient pour menacer la Turquie, à la grande mortification de l’Angleterre et de l’Autriche, aux grands applaudissemens de la Russie, et tout cela deux ans à peine après la guerre de Crimée !… Le spectacle ne manquait pas assurément d’originalité et indiquait le profond changement survenu depuis cette époque. — Quant à la petite révolution par laquelle les Serbes voulurent se donner de nouveau pour prince le vieux Miloch Obrénovitch à la place d’Alexandre Kara Géorgévitch, et qui devint aussi le sujet de négociations entre les puissances, elle n’était pas sans présenter quelque analogie avec les événemens des provinces danubiennes. Ce que la skouptchina (assemblée nationale) de Kragouïévatz reprochait surtout au prince dépossédé, c’était d’avoir montré trop de sympathies pour les alliés dans la guerre de 1853 ; cela n’empêcha pas le cabinet des Tuileries de favoriser le nouveau changement de règne, et la Porte eut beau protester contre les décisions de la skouptchina, sa protestation eut beau être trouvée très légitime par l’Angleterre et l’Autriche, elle n’en fut pas moins amenée à reconnaître les vœux de la Serbie. — On ne saurait évidemment entrer dans tous les détails de ces complications orientales. Il a suffi de relever les deux traits qui en ressortent presque constamment à cette époque : les votes populaires annulant les arrangemens de la diplomatie et l’accord de la France et de la Russie pour respecter ces votes, deux traits qui devaient bientôt se détacher avec bien plus de relief encore dans les affaires d’Italie.

Lorsque surgirent bientôt en effet les complications italiennes, la Russie multiplia les témoignages de ses bons rapports avec le cabinet des Tuileries, et se prêta volontiers à des habiletés diplomatiques qui avaient pour but d’amener la guerre sans la rendre générale. « Nos relations avec la France sont cordiales, » répondit le