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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/319

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En somme, la diplomatie française se montra, dans ce difficile moment, aussi habile que digne ; mais elle fut loin de se trouver parfaitement à l’aise, quoi qu’on ait dit. Et s’il est vrai, ainsi qu’il a été affirmé dans le temps, « que la France, bien qu’absente de l’entrevue de Varsovie, en avait néanmoins été l’âme, » il faudrait ajouter que ce fut là une âme tout près d’être quelque peu en peine. Aucun résultat positif ne sortit cependant de cette rencontre des trois souverains du Nord : c’est tout au plus si on échangea des vues sur l’éventualité du réveil de la question polonaise ; mais l’Autriche échoua complètement dans ses efforts pour amener la Russie à une action commune dans les affaires d’Italie. C’est que l’empereur Alexandre n’était, au fond, allé à Varsovie que dans un intérêt tout particulier ; il n’y avait voulu faire ni de la coalition, ni de la conciliation, mais tout simplement un acte d’influence, la démonstration de sa force. Il était flatté de voir ces souverains, ces princes allemands venir dans l’ancienne capitale de la Pologne pour y délibérer sur la situation générale et y recevoir le mot d’ordre : cela rappelait les beaux jours de l’empereur Nicolas. D’un autre côté, il était bien aise aussi de faire sentir à la France tout le prix de son amitié, de lui faire comprendre que ses services avaient maintenant leur valeur, beaucoup plus grande, peut-être même leur tarif… Les pièces habiles qui émanèrent successivement de la chancellerie de Saint-Pétersbourg indiquent d’une façon curieuse la marche toujours ascendante de la Russie depuis la paix de Paris. Dans la première de ces circulaires célèbres, elle déclarait « ne point bouder, mais se recueillir ; » dans la seconde, à l’occasion des complications italiennes, elle sortait déjà « de la réserve qu’elle s’était imposée depuis la guerre d’Orient. » Après l’annexion de la Savoie, « sa conscience lui reprochait de garder plus longtemps le silence en présence des souffrances endurées par des chrétiens, etc. » Enfin, dans le mois d’octobre 1860, elle est le porte-voix des intérêts généraux de l’Europe, l’intermédiaire qui demande des explications au cabinet des Tuileries. Protégée modeste de la France et pleine de « réserve » jusqu’à la guerre d’Italie, elle monte à ce moment au rang d’une « amie précieuse » pour devenir, après l’entrevue de Varsovie, l’alliée importante et presque indispensable, car, notons-le bien, c’est précisément au lendemain de l’entrevue de Varsovie que l’alliance franco-russe commence à s’accuser nettement, à prendre des aspects sérieux et parfois même inquiétans pour l’Europe : dette alliance, la Russie la désirait ardemment, elle était son rêve. Pour plaire à la France, elle voulut bien oublier vite sa circulaire au prince Gagarine et reconnaître l’Italie, elle amena même la Prusse à une reconnaissance pareille ; mais d’un autre côté elle