Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/318

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cesser ce concert unanime de bruits malveillans et de fausses appréciations. En effet, l’empereur, en allant expliquer franchement aux souverains réunis à Bade comment sa politique ne s’écarterait jamais du droit et de la justice, a dû porter dans des esprits aussi distingués et aussi exempts de préjugés la conviction que ne manque pas d’inspirer un sentiment vrai expliqué avec loyauté. » Il paraîtrait cependant que la conviction ne l’avait pas emporté complètement sur les préjugés, car à la suite de la réunion de Bade il y en eut une autre à Tœplitz, entre l’empereur d’Autriche et le régent de Prusse, où l’on convint encore d’une troisième, qui devait avoir lieu à Varsovie avec l’empereur de Russie. Le tsar accepta le rendez-vous ; on était déjà loin de ce printemps de 1859 où la Russie retenait les princes allemands et les arrêtait court dans leur emportement contre la France ; aujourd’hui elle voulait bien écouter leurs plaintes et partager à quelques égards leurs inquiétudes. L’émotion lut assez vive aux Tuileries, et il y eut un moment où lord Russell lui-même craignit d’avoir trop bien réussi et trembla pour le sort de l’Italie. Il n’en fut rien cependant, et l’entrevue tant redoutée de Varsovie ne devait avoir pour résultat que de faire ressortir la haute position que la Russie venait de reconquérir. Le temps était alors aux antithèses et aux jeux de mots : « Defence not défiance ! » disait lord Palmerston en passant en revue ses volontaires, et c’est aussi dans le même esprit que l’empereur Alexandre II déclarait au duc de Montebello « que ce n’était pas de la coalition, mais bien de la conciliation qu’il allait faire à Varsovie. » Les formes conciliantes ne manquèrent pas en effet à la dépêche par laquelle le prince Gortchakov « invitait le gouvernement français à lui faire connaître dans quelle mesure il croirait pouvoir seconder les efforts qu’allait tenter la Russie pour prévenir la crise dont l’Europe était menacée, » mais, si polies que fussent ces formes, elles n’en cachaient pas moins une légère sommation de s’expliquer. Le cabinet des Tuileries répondit par un memorandum qui devait être soumis aux souverains réunis à Varsovie et qu’accompagnait en outre une lettre autographe pour le tsar. Le memorandum prenait avant tout « l’engagement catégorique de ne donner aucun appui au Piémont dans le cas où l’Autriche serait attaquée en Vénétie ; » il maintenait en outre la validité absolue de l’annexion de la Savoie, « lors même que le Piémont viendrait à perdre les acquisitions qu’il a faites en dehors des stipulations de Villafranca et de Zurich. » Les cabinets de Vienne et de Berlin firent leurs remarques sur plusieurs points du memorandum et les adressèrent… au vice-chancelier russe, qui les transmit à Paris avec la demande de nouveaux éclaircissemens plus explicites et plus rassurans.