Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/329

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Alexandre pour le disposer à une sévérité « salutaire. » Avec l’entrée aux affaires de M. de Bismark ! (24 septembre 1862), les conseils de la Prusse devinrent plus pressans ; les exhortations « d’en finir » redoublèrent d’intensité, et bientôt M. de Theremin, consul prussien à Varsovie, agent discret, très actif sous les dehors d’une lourdeur toute germanique, et qui n’avait cessé d’avoir sa part d’influence dans les conseils du grand-duc Constantin, put mander à son chef que tout allait à souhait et approchait d’un dénoûment satisfaisant. Il resterait peut-être à rechercher si, en plaidant de la sorte le système de la rigueur en Pologne, M. de Bismark ne faisait que céder à la disposition générale de ses compatriotes, à son humeur personnelle, assez portée vers ce qu’il appelait des « coups vigoureux, » ou si déjà, dans l’esprit fertile du ministre, la catastrophe prévue à Varsovie ne se présentait pas comme le point de départ très désirable d’une complication générale dont il avait grand besoin ; mais le fait en lui-même ne saurait être l’objet du moindre doute. On a sur ce point le propre aveu de M. de Bismark. Quand plus tard, en effet, lord John Russell résolut d’associer à ses représentations en faveur de la Pologne tous les signataires du traité de Vienne, il chargea en conséquence son ambassadeur à Berlin de porter aussi auprès du ministre prussien l’invitation du cabinet de Saint-James. « M. de Bismark m’a répondu, — écrivit sir A. Buchanan au chef du foreign office sous la date du 4 avril 1863, — qu’il était impossible à la Prusse de changer la politique qu’elle suivait depuis deux ans. Après avoir, pendant tout ce temps, averti l’empereur de Russie des conséquences inévitables des encouragemens aux aspirations nationales de la Pologne, la Prusse ne peut lui demander maintenant d’accorder aux Polonais l’autonomie qu’on réclame. » Ce langage avait au moins le mérite de la franchise, et M. de Bismark devait bientôt encore avoir la satisfaction insigne de voir sir A. Buchanan, passablement scandalisé de ces paroles au mois d’avril, venir au mois de novembre lui rappeler ces mêmes paroles dans un sens tout à fait approbateur, les trouver saines et justes, et s’en prévaloir comme d’un puissant argument contre le projet de congrès inopinément soulevé alors par la France… Étrange retour des choses, des hommes, et des mots surtout, chez une diplomatie aussi puritaine !

Quant au gouvernement français, dont il nous reste à parler, il est hors de doute, quoi qu’en aient pu dire certaines insinuations parties, de Berlin, que l’agitation polonaise l’avait désagréablement surpris dès l’abord, et n’avait pas laissé même de l’importuner par la suite. Il semblerait que dès les premiers temps, et tout en n’attribuant aux manifestations de Varsovie que le caractère d’une effervescence