Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/343

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le plus grave de la résolution prise par la Prusse, c’est d’évoquer en quelque sorte la question polonaise elle-même. Le cabinet de Berlin n’accepte pas seulement la responsabilité des mesures de répression adoptées par la Russie, il réveille l’idée d’une solidarité entre les différentes populations de l’ancienne Pologne. Il semble inviter les membres séparés de cette nation à opposer leur union à celle des gouvernemens, à tenter en un mot une insurrection véritablement nationale. » Quelques jours plus tard (21 février), et après des pourparlers avec lord Cowley, le ministre des affaires étrangères de France écrivait au baron Gros à Londres, afin d’engager le cabinet de Saint-James à une démarche commune auprès de la cour de Berlin. « La vivacité du sentiment public en Angleterre, les déclarations anciennes du gouvernement de sa majesté britannique et les principes de sa politique m’autorisent à penser, disait M. Drouyn de Lhuys, que le langage tracé à sir Andrew Buchanan sera en parfait accord avec celui que tiendra M. de Talleyrand ; mais je me demande si l’expression orale de notre manière de voir est en rapport avec la gravité de l’acte que nous avons à apprécier, et s’il ne serait pas nécessaire de donner à la manifestation de notre opinion une forme moins fugitive et plus déterminée. » A cet effet, le ministre français envoyait un projet de note identique qui reproduisait en substance les argumens développés dans la dépêche à M. de Talleyrand, projet auquel le ministre se déclarait prêt, du reste, à faire subir toutes les modifications qui seraient jugées convenables, et il exprimait à la fin l’espérance de recevoir également pour cette démarche le concours de l’Autriche, « qui a suivi une ligne différente de celle de la Prusse, et aurait à tous égards intérêt à en décliner plus complètement encore la solidarité en s’associant à nos appréciations… » Quant au gouvernement russe, quant à l’auteur principal et originel du « conflit, » le cabinet des Tuileries s’étudiait en quelque sorte à le mettre hors de cause, et à ne l’entretenir de la question qui faisait la grande préoccupation du moment que d’une manière toute privée et amicale. En effet, dans une dépêche adressée le 18 février à M. le duc de Montebello, M. Drouyn de Lhuys se plaisait à rappeler les liens d’amitié qui unissaient les deux cours, à constater « le loyal et sincère désir qu’a toujours eu le gouvernement impérial d’épargner au cabinet russe les embarras inhérens aux affaires de Pologne ; » mais en même temps il faisait remarquer que « la question polonaise avait plus qu’aucune autre en France le privilège d’éveiller des sympathies également vives dans tous les partis, » sympathies dont il était impossible de ne pas tenir compte. « Tout en condamnant hautement tout ce qui ressemblerait à des procédés anarchiques ou