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directement la Russie sur sa conduite en Pologne, et demanda ingénument à la France (2 mars) si elle ne comptait pas suivre son exemple, la mettant ainsi en demeure de se prononcer dans un sens qu’elle avait toujours évité… Tu non pensavi ch’io loico fossi ! aurait pu dire à cette occasion avec certain diable de Dante l’austère et sentencieux comte Russell.

Hâtons-nous, à l’exemple de lord John, de vider tant bien que mal le débat sur la convention prussienne, procès curieux, où l’on n’est jamais parvenu à se mettre en possession du corps du délit. Dans ses conversations avec lord Bloomfield (dépêche du 12 février), le comte Rechberg supposait « que le principal objet de la convention était de faciliter le passage des troupes russes à travers la Prusse pour entrer en Pologne, et d’établir une ligne commune de conduite en face de l’insurrection. » M. le comte de Goltz au contraire et M. le baron de Budberg assuraient à M. Drouyn de Lhuys (dépêche au baron de Talleyrand du 17 février) « que l’objet de cet acte était de maintenir la sûreté des relations commerciales et d’empêcher le pillage des caisses de la douane. » — « Autant que j’ai pu le savoir, écrit de son côté sir Andrew Buchanan en date du 14 février, il a été convenu… que les troupes russes ou prussiennes auront la liberté de poursuivre les insurgés sur le territoire de l’un ou de l’autre gouvernement. Les chemins de fer prussiens devront aussi être mis à la disposition des autorités russes pour transporter les troupes à travers le territoire prussien d’un point du royaume de Pologne à un autre. Le gouvernement en outre pense à donner dans un cas de nécessité une assistance armée au gouvernement russe pour la répression de l’insurrection dans le royaume… » La version est de nouveau tout autre dans la bouche du prince Gortchakov, qui vient un matin « entretenir spontanément » lord Napier du « récent arrangement » (dépêche du 21 février), à l’accord signé par lui avec l’agent militaire prussien (car, ajoute lord Napier, il ne voulait pas l’appeler une convention) n’avait de caractère ni « de signification politique d’aucune sorte ; c’était un simple arrangement pour le maintien de la sécurité sur les frontières des deux pays. Les insurgés avaient l’habitude de tomber sur les postes de douane, etc. — J’ai demandé au prince Gortchakov si l’accord assurait à chacune des parties contractantes en général le droit de pénétrer sur le territoire de l’autre dans le cours de ses opérations. — Le vice-chancelier m’a répondu assez vaguement ; il m’a paru qu’il voulait faire dépendre le droit de traverser les frontières des projets des insurgés contre les postes de douane… »

Il était évident que le seul moyen de voir clair dans une affaire où le douanier russe couvrait sans cesse et si étrangement le soldat