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ce sujet, et de guerre lasse il fit comme le prophète avec la montagne : il écrivit à sir A. Buchanan le 11 mars cette curieuse dépêche qui mit décidément fin à la négociation : « Comme il paraît… que la soi-disant (so-called) convention entre la Prusse et la Russie… est maintenant lettre morte,… vous pouvez n’en plus demander copie ! » La pièce eut cependant son petit épilogue. Sir A. Buchanan écrit le 14 mars au comte Russell qu’il a reçu sa dépêche du 11 et a fait part à M. de Bismark de la résolution du gouvernement de sa majesté de ne plus insister sur « la soi-disant convention devenue lettre morte ; » puis l’ambassadeur anglais ajoute ingénument qu’aucun des deux gouvernemens n’ayant déclaré mettre fin à la convention, il est à présumer que dans ses parties avouées elle continuera d’être exécutée comme par le passé !… C’est ce qui eut lieu en effet pendant toute la durée de l’insurrection.

Quant au gouvernement français, il avait déjà depuis longtemps renoncé à toute tentative de ce côté, et une circulaire de M. Drouyn-de Lhuys aux agens diplomatiques de l’empereur, à la date du 1er mars, avait prononcé en quelque sorte l’oraison funèbre de l’incident prussien. La circulaire maintenait toujours le point de vue français ; mais en face du refus opposé par l’Angleterre et l’Autriche elle déclarait que « le gouvernement de l’empereur n’a plus aucune suite à donner à une proposition qui supposait un accord. » — « La France, ajoutait M. Drouyn de Lhuys, n’en continuera pas moins à suivre ces événemens avec le degré d’intérêt qu’ils sont faits pour inspirer. Nos devoirs à cet égard sont conformes à ceux des grandes puissances placées dans la même position que nous… » Cette dernière phrase mérite d’être notée : elle révèle déjà la pensée qui bientôt trouvera son expression beaucoup plus concise dans la fameuse formule « que la question polonaise était une question européenne. » Cette formule était destinée d’un côté à rassurer l’Europe et à l’engager dans une action commune, de l’autre elle devait ménager à la France une issue moins pénible, et rendre l’échec moins personnel pour elle, si l’action qu’elle appelait de tous ses vœux. ne se réalisait pas.


JULIAN KLACZKO.