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Par un hasard presque providentiel, il avait reçu l’ordre de quitter le Levant au moment où sa position allait y devenir intolérable. L’escadre, passée en d’autres mains, dut sortir des eaux de Smyrne. Pendant que les forces alliées faisaient tomber les murs de Saint-Jean-d’Acre, elle attendait de nouvelles instructions, tristement reléguée à Athènes et à Navarin. Enfin on eut le courage de cette prudence dont notre isolement nous faisait une loi : on rappela nos vaisseaux à Toulon. L’escadre y parut non pas humiliée, mais frémissante. Vingt et un vaisseaux de ligne, réunis en un seul faisceau, devaient donner à réfléchir au cabinet de Londres. Cette armée navale eût été dans la Manche avant que l’escadre de Beyrouth n’eût pu rebrousser chemin jusqu’à Gibraltar. On songeait à lui donner pour chef un de ces hommes dont on invoque presque involontairement le nom les jours de combat, une de ces vieilles gloires pures, intactes, comme il nous en restait encore, — l’amiral Duperré. — Celui qu’on avait choisi pour commander immédiatement sous lui, pour servir de son activité, en qualité de major-général, la haute expérience à laquelle on voulait faire appel, c’était l’amiral Lalande, qu’on trouvait ainsi le moyen de rendre à ses vaisseaux. Avec un tel second, avec des lieutenans qui se nommaient Hugon et de La Susse, l’amiral Duperré était homme à tout entreprendre. Combien de temps nos succès auraient-ils duré ? C’est ce qu’il est difficile de savoir, mais il est hors de doute qu’un premier succès était presque infaillible.


III

Je suivis d’assez près en France l’amiral Lalande. Il était parti dans les derniers jours de juillet. Je quittai Constantinople dans les premiers jours d’octobre. Je pouvais trouver la guerre sur mon passage, mais je commandais un bâtiment qu’il n’eût pas été facile d’atteindre. Notre traversée fut très orageuse. Quand l’hiver doit être rigoureux, on en est généralement averti dans la Méditerranée par le mois d’octobre. Dans l’Océan, c’est le mois des vents d’est ;