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soixante-treize vers de suite relatifs aux désastres de Philippe de Valois et du roi Jean.

Il fut donc un temps, et ce temps est le haut moyen âge, où la France dut à sa littérature de pénétrer d’un bout de l’Europe à l’autre et de s’y faire partout écouter, et M. Le Clerc a résumé dans une belle page ce grand succès, lorsque, rappelant celui qu’obtint plus tard la France du XVIIe et du XVIIIe siècle, il dit : « Peut-être même, sous cette espèce de république chrétienne, dont une foi commune avait fait et perpétué l’unité, la France du XIIe et du XIIIe siècle eut un ascendant qu’elle ne retrouva plus aussi complet lorsque cette unité fut brisée, et que les diverses nations, travaillant désormais chacune pour leur destinée et leur gloire à part, se disputèrent, avec une émulation qui dure encore, une primauté qu’elles avaient paru jadis reconnaître dans un seul peuple. D’où venait ce prestige ? Nous le redirons en peu de mots : la France avait surtout conquis les âmes par un attrait qu’on lui a depuis contesté, par la poésie. Laissons en effet tous ses autres moyens d’influence et d’autorité, quelques grands rois, des armées belliqueuses, des expéditions lointaines, des écoles partout renommées, ses théologiens, ses philosophes, ses historiens ; souvenons-nous seulement qu’elle a eu des poètes, des poètes en langue vulgaire, qui ont été compris et imités aussitôt par l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, les pays Scandinaves, l’Orient. Le poème héroïque de plusieurs de ces peuples vient d’ici. La France, avec ses chants sur Charlemagne, leur a donné Roland, Olivier, Renaud, les douze pairs. Le genre héroï-comique leur est arrivé en même temps tout plein de gaîté et de verve, dans les gabs du grand empereur lui-même avec les jeunes chevaliers à la cour de Constantinople, dans les intrépides bravades d’Ogier le Danois, dans les scènes bouffonnes où Guillaume d’Orange, devenu moine, se débat contre la règle du couvent et la note inflexible du lutrin. »


III. — DES PRINCIPAUX GENRES EN VERS ET EN PROSE.

Avant de jeter un coup d’œil sur le sujet de ce chapitre, il importe de considérer quelle était l’étendue de l’éducation et de la culture intellectuelle, car ce qui s’enseigne et ce qui forme la culture intellectuelle est le véritable indice de la direction que prendra l’esprit avec l’aide du temps.

Dans ce qui s’enseigne alors, la théologie ou la science divine tient le premier rang, comme science de l’orthodoxie chrétienne. Puis viennent, dans le monde des lettres et des écoles, ces connaissances simplement humaines dont les derniers âges de l’antiquité latine avaient légué aux siècles suivans les principales divisions, tantôt