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un si grand rôle dans les arts de la paix comme dans ceux de la guerre, il convient d’étudier sur place ces mines célèbres. C’est une sorte de grenier à fer auquel iront, toujours plus nombreux, s’adresser les maîtres de forge, en présence de l’épuisement de plus en plus grand des autres gîtes de l’Europe. Exploités depuis plus de deux mille cinq cents ans, ceux de l’île d’Elbe au contraire ont été à peine effleurés, tant l’épaisseur et l’étendue de ces dépôts métalliques sont également imposans. Virgile, comme il y a dix-neuf siècles, pourrait toujours les déclarer inépuisables ; mais avant de parler des mines et de faire connaître les conditions dans lesquelles s’est développée cette exploitation spéciale, il n’est peut-être pas inutile de donner une idée du pittoresque territoire qui n’en tire pas son unique source de richesse, et qui doit à l’agriculture d’autres élémens de prospérité.


I

De forme sensiblement elliptique, surtout vers la partie occidentale de son contour, l’île d’Elbe s’épanouit subitement à l’est en deux caps avancés : l’un, qui se porte vers le nord, est le cap della Vita, où les mines de Rio-Albano trouvent leur extrême limite ; l’autre, qui s’étend au sud, est le cap Calamita, dont le nom, également conservé dans le vieux français, — la calamité ou pierre d’aimant, — rappelle aux Italiens les mines voisines d’aimant naturel. Entre ces deux caps, mais beaucoup plus près du dernier, dans une anfractuosité profonde, courant de l’est à l’ouest, se dessine le golfe de Porto-Longone. C’est un excellent mouillage protégé par des fortifications savantes élevées par les Espagnols, et qui ont arrêté les Français en 1799. La ville de Porto-Longone, la seconde de l’île, mire ses maisons dans l’eau. Tout près de là est la mine de fer de Terra-Nera, ainsi désignée à cause de l’aspect extérieur du gisement qu’on y exploite. La Cala di Barbarossa, la crique de Barberousse, qui sert de port à Terra-Nera, rappelle les exploits du fameux forban allié de François Ier, et dont le souvenir s’est perpétué jusqu’à ce jour dans la mémoire des insulaires.

Au sortir du golfe de Longone, en voguant vers le nord et en côtoyant un rivage qui trace une ligne peu sinueuse, presque parallèle à la méridienne, on ne tarde pas à rencontrer la marine[1] de Rio. Là existe le plus grand dépôt géologique de minerai de fer connu dans le monde, ce qui a fait de Rio le point principal et quelquefois unique de l’exploitation de l’île d’Elbe. À côté est la mine

  1. Nom donné en Italie à tous les petits ports de mer.