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ainsi entre quatre évêques en guerre les uns. contre les autres. L’hérésie d’Apollinaris, si bien accueillie par les consubstantialistes d’Orient, signalait un danger nouveau pour la foi orthodoxe dans l’exagération du principe de la consubstantialité, par opposition à l’arianisme, qui n’était que la négation de ce principe. À force de vouloir expliquer la parfaite égalité de substance existant sous la diversité des personnes divines, on arrivait à des formules voisines de celle de Sabellius, hérésiarque du IIIe siècle, qui n’avait vu dans la Trinité qu’une triple manière d’envisager un Dieu unique dans-son action vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis du monde, suivant qu’il est l’être en soi, ou l’être créateur par son verbe, ou l’être vivificateur et sanctificateur par son esprit. En haut, le sabellianisme, qui faisait disparaître l’élément religieux de la rédemption, pour aboutir à un déisme philosophique ; en bas, l’arianisme extrême, qui aboutissait à un déisme juif sous une nouvelle prophétie, tels étaient les deux périls, également redoutables, quoique inverses, qui menaçaient la théologie chrétienne, dès qu’elle s’écartait du symbole net et précis arrêté par le concile de Nicée. Pour élever une digue aux idées sabelliennes, dangereuses surtout en Syrie à cause d’un vieux noyau de sabelliens resté dans les provinces du Tigre et de l’Euphrate, Mélétius avait imaginé la doctrine des trois hypostases égales et coéternelles, composant par leur réunion la grande hypostase ou substance divine. C’était au fond la même chose qu’un Dieu en trois personnes consubstantielles ; mais la formule grecque avait le tort d’employer le mot hypostase, dont la traduction latine était substantia, dans deux acceptions différentes ; puis on reprochait à ce mot lui-même d’être une nouveauté. Quoi qu’il en soit, Mélétius et la plupart des évêques syriens admirent dans leur confession cette variante du symbole de Nicée ; Paulin la rejeta : les évêques d’Égypte en communion avec l’église de Rome la déclarèrent inutile et pleine de périls, et l’antagonisme des deux moitiés du monde chrétien se trouva aigri par des imputations mutuelles d’hérésie.

S’il y avait un lieu en Orient où ces débats passionnés dussent mourir, c’était certes le désert de Chalcide, oasis du silence et de l’oubli : ils y prirent au contraire un redoublement de force par la grossièreté des esprits et l’ardeur excitante du climat. Dans les monastères, dans les cellules, jusque dans la caverne de l’anachorète, on ne s’occupa bientôt plus que de Mélétius et de Paulin, on ne par la plus que d’hypostases. Ces hommes, la plupart ignorans, ne comprenaient à toutes ces questions qu’une seule chose, la guerre contre l’Occident, et ils se mirent à persécuter les Occidentaux qui vivaient parmi eux, principalement Jérôme, le plus important de tous. Chaque matin, il voyait sa cellule assiégée par des troupes de