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garantie du serment. » Paulin consentit cette fois, comptant sans doute avoir pour lui les chances de survie ; Rome non plus ne s’opposa point, et l’on procéda de part et d’autre à la solennité des engagemens. Ce fut une cérémonie grave et imposante. En présence du peuple et des clergés réunis, sept clercs de chacune des deux églises jurèrent successivement sur l’Évangile qu’ils soutiendraient l’engagement de leurs évêques, et ne feraient, ne provoqueraient, ne souffriraient dans la ville d’Antioche aucune manœuvre qui pût en amener la violation. En tête des clercs de Mélétius, on put remarquer le prêtre Flavien, son homme de confiance, qui, s’approchant d’un pas ferme et la tête haute, étendit la main sur le saint livre et jura le premier. Le corps ecclésiastique tout entier se trouvait lié par le serment de ses représentans ; le peuple applaudit, et l’on proclama que la paix était faite : elle ne l’était point. Les évêques de Syrie, ardens à la lutte, condamnèrent l’action de Mélétius comme une faiblesse de vieillard, et la convention jurée comme anti-canonique. On s’agita, on multiplia les protestations anticipées contre l’intrusion de Paulin, derrière laquelle on voulait voir une prise de possession de l’église d’Antioche par le chef de l’église romaine. Les évêques égyptiens, partisans habituels de Paulin, soutinrent de leur côté que le compromis était bon et inviolable. On déploya dans les deux camps une violence jusqu’alors inouïe, les uns accusant leurs adversaires de prêcher le parjure, les autres leur reprochant de dissimuler sous le respect dû au serment un projet d’asservissement de l’église orientale par l’église occidentale. La Syrie sortit de cette tentative de concorde plus troublée vingt fois et plus divisée qu’auparavant.

La querelle de discipline, si ardente déjà, s’envenima encore d’une querelle de dogme. Le plus brillant des docteurs consubstantialistes après Athanase, Apollinaris de Laodicée, cédant à la pente qui entraîne à leur insu tous les chefs d’école, avait levé le drapeau de l’hérésie. Parti de la foi de Nicée comme d’un principe et voulant en déduire les conséquences spiritualistes, il était arrivé de proche en proche à ce résultat, que le Verbe consubstantiel au père n’avait pris ni une âme ni un entendement humain dans le sein de la vierge Marie, mais seulement l’enveloppe charnelle dont il avait voulu recouvrir sa divinité, qu’ainsi le Dieu fait homme ne s’était trouvé homme que dans les conditions de matière qui permettaient à un Dieu de vivre parmi les hommes. Cette doctrine, émise d’abord timidement, niée, puis reprise par son auteur, s’était démasquée à mesure qu’elle gagnait des prosélytes par sa spiritualité même, et Apollinaris avait enfin poussé l’audace jusqu’à instituer un évêque de sa secte dans la malheureuse ville d’Antioche, ballottée