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avait en outre reconnu que de petits animaux enfermés dans cet air ou dans l’air atmosphérique en altéraient bientôt les qualités, au point qu’ils y mouraient et que les bougies s’y éteignaient. À la vérité, Priestley ne connut point la nature réelle de l’oxygène, et, par un aveugle sentiment de rivalité, refusa toute sa vie d’adopter la théorie de la respiration que Lavoisier venait de donner ; mais il sut néanmoins déduire de ses expériences une conséquence logique qui était de la dernière importance. En voyant ces petits animaux vicier l’air confiné par leurs exhalaisons, il comprit que tous les individus du règne animal produisent le même effet d’une manière continue sur l’atmosphère entière, et qu’ils devraient fatalement y mourir s’il n’y avait dans le jeu des forces naturelles une action continue inverse tendant à rendre à l’air sa pureté, à mesure qu’elle est détruite par la respiration animale. Ce contre-poids, cette action régénératrice, il la chercha et il la trouva dans les végétaux.

Il mit dans l’air sous une cloche fermée un animal et une plante. Le premier corrompit l’air et mourut ; mais au bout d’un certain temps Priestley reconnut que la seconde avait restitué à l’air la propriété vitale ou la pureté nécessaire à l’entretien de la vie. C’était un des faits les plus considérables de la mécanique du monde. À partir de ce moment, on sut, sans en avoir encore pénétré les détails, que les végétaux et les animaux accomplissent des fonctions antagonistes, les uns rendant l’air impropre à l’entretien de leur vie, les autres réparant le mal. La Société royale de Londres offrit à Priestley, en 1773, la médaille de Copley, et en la lui remettant, le président de cette compagnie célèbre caractérisait ainsi la découverte de Priestley : « Les plantes ne croissent pas en vain ; chaque individu dans le règne végétal, depuis le chêne des forêts jusqu’à l’herbe des champs, est utile au genre humain. Toutes les plantes entretiennent notre atmosphère dans le degré de pureté nécessaire à la vie des animaux. Les forêts elles-mêmes des pays les plus éloignés contribuent à notre conservation en se nourrissant des exhalaisons de nos corps devenues nuisibles à nous-mêmes. » Toute cette gloire de Priestley devait cependant s’obscurcir. Après de si beaux travaux, des vues si grandes et si générales, après ces récompenses et ces éloges publics, Priestley voulut un jour recommencer ses premières expériences, et il obtint des résultats absolument opposés, c’est-à-dire que les plantes, au lieu de, purifier l’air, lui parurent alors le rendre plus mauvais. Étonné de cette contradiction inexplicable entre le passé et le présent, il multiplia ses épreuves en les variant, et la seule chose qu’il put constater, c’est que les végétaux offrent alternativement, quelquefois la propriété de purifier, quelquefois celle de vicier l’air. La loi qui lui avait mérité la médaille de Copley n’était donc pas générale, et les conséquences qu’il en avait tirées étaient contestables. Réfugié en Amérique, après une vie agitée par des discussions religieuses, Priestley mourut en 1804, ayant fait en chimie de grandes découvertes