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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/488

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considérable est évidente. Les parties vertes des végétaux décomposent l’acide carbonique ; elles en extraient le charbon, qu’elles gardent ; elles rejettent l’oxygène, qu’elles rendent à l’atmosphère. À l’obscurité et pendant la nuit, leur rôle change : loin d’absorber de l’acide carbonique, elles en exhalent ; mais, cette réaction nocturne étant inférieure à l’action diurne, les plantes accomplissent finalement un rôle opposé à celui des animaux : elles détruisent l’acide carbonique qu’ils forment, elles régénèrent l’oxygène qu’ils absorbent, elles reproduisent les matières organiques qu’ils consomment.

À voir cette expérience si nette et cette explication si simple, il semble que les savans aient dû les trouver du premier jet. On se tromperait étrangement de croire qu’il en puisse être ainsi. Chaque grande découverte coûte à l’humanité. Au début, tout est obscurité et impuissance ; ce n’est qu’après de longues recherches qu’on entrevoit au milieu de nombreuses hésitations quelques vérités éparses, et jusqu’au moment où une lumière sereine vient éclairer toutes les obscurités, il faut le travail collectif de plusieurs générations et le concours de plusieurs hommes de génie. Il n’est pas sans intérêt d’étudier l’histoire de ces grandes découvertes, et j’entreprends ici le récit des expériences successives qui ont fixé les rapports de l’atmosphère et des plantes ; je le continuerai jusqu’à des travaux récens, qui ont ramené l’attention sur le sujet que je traite.


I

Un médecin genevois, Charles Bonnet, est le premier qui ait expérimentalement abordé, vers le milieu du XVIIIe siècle, le problème qui nous occupe. C’est la lecture d’un ouvrage alors célèbre, le Spectacle de la Nature, par Pluche, qui décida sa vocation. Il s’occupa d’abord des générations spontanées, question déjà débattue à cette époque, et qui n’a fait que s’échauffer avec le temps. Il quitta ce sujet pour en traiter un autre dont il ne prévoyait peut-être pas la fécondité ; il se demanda quel est l’usage des feuilles, et fit deux expériences demeurées classiques. Par la première, il prouva que la lumière exerce sur les parties vertes des végétaux une si vive attraction que, mises à l’obscurité, elles se dirigent et s’inclinent vers les moindres ouvertures qui leur amènent le jour. La deuxième montra qu’étant plongées dans l’eau, les plantes dégagent au soleil une grande quantité d’air ; mais là s’arrêta le rôle de Bonnet : il ne sut pas quel était cet air, et il ne pouvait le savoir, puisqu’à cette époque les premières notions de la chimie moderne étaient ignorées de tous.

Priestley, qui était l’émule et en quelques points le prédécesseur de Lavoisier, fut amené par les conséquences mêmes de ses découvertes à étudier l’action des plantes sur l’atmosphère. Il venait d’isoler le gaz remarquable qui entretient énergiquement la combustion des bougies et la respiration des animaux, et pour cette raison il l’avait nommé air vital. Il