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et, à partir de ce moment, la matière organique, absorbée par les tissus naissans, transportée par des vaisseaux qui se forment, prend sa place dans les organes qu’elle constitue. Pendant tout ce temps, la plante et l’animal vivent sur leur propre fonds sans rien prendre au dehors ; et, pour compléter l’analogie, brûlent une portion de leur matière propre. Bientôt, quand tout est épuisé, l’animal, déjà formé, est prêt à vivre, comme la plante, déjà dessinée, est prête à végéter, et un besoin commun se montre à ce même moment chez ces deux êtres : celui de trouver une nourriture extérieure. À partir de cet instant, toute analogie cesse, et la séparation des deux règnes commence. Le végétal crée et réduit, l’animal détruit et oxyde.

Poursuivons ces analogies. Dans toute fleur qui s’ouvre, la botanique vient nous montrer les organes de deux sexes opposés qui concourent, chacun avec son caractère, à la fécondation des germes. Or, à ce moment où la fleur semble emprunter cette fonction sexuelle de reproduction que l’on croirait être le privilège exclusif des animaux, elle les imite encore en brûlant les matières organiques par une active respiration. « Toutes les fleurs, disait Priestley, exhalent constamment un air mortel pendant le jour et pendant la nuit, à la lumière et à l’obscurité. » L’expérience journalière confirme cette assertion, et de Saussure a montré que ce gaz vénéneux est de l’acide carbonique. Enfin l’un de nos chimistes les plus justement renommés, M. Cahours, vient, dans un travail récent et complet, d’étudier toutes les circonstances de cette respiration des fleurs et des fruits.

S’il est vrai que cette combustion de matière organique, que cette dépense et cette perte de force soient nécessaires pour accomplir l’acte de la fécondation en lui-même, c’est dans les organes sexuels surtout qu’elles devront se produire. L’expérience en effet a confirmé cette prévision, et l’on a reconnu même que c’est l’étamine, l’organe mâle, qui dépense le plus. Ce fait important ne s’arrête pas là. Toute combustion dégage de la chaleur : c’est à leur respiration que les animaux doivent leur température élevée, et il est de toute nécessité que les étamines et les pistils s’échauffent, puisqu’ils respirent. La question était de trouver des thermomètres assez sensibles et une plante convenable. La première qui ait permis de constater l’élévation de température est un végétal que l’on n’avait jamais soupçonné d’une pareille ardeur, le potiron. Ses fleurs sont larges, on a pu y Introduire des thermomètres à air ; les unes sont mâles, les autres femelles, et celles-ci se montrent plus froides que celles-là.

Cependant les courges, les melons et les potirons s’échauffent fort peu, et l’on peut dire qu’ils ressemblent à des animaux à sang froid ; il est des plantes qui imitent les animaux à sang chaud, ce sont les Arums. L’un d’eux, l’Arum maculatum, qu’on trouve abondamment dans les haies, est enveloppé d’une feuille enroulée qui enferme la fleur dans une chambre et