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IV

Si pendant le cours régulier de son existence, un végétal accumule de la matière organique, il y a cependant, deux momens où il perd ce caractère essentiel et où il se comporte comme les animaux : c’est au commencement et à la fin de sa vie, quand il germe ou quand il se reproduit. Toute graine, outre l’embryon qui garde pendant de longues années le principe de la vie, renferme, une provision de matière organique destinée à la première nourriture de la plante naissante. Jetée sur un sol humide et chaud, elle germe ; sa radicule cherche dans le sol un point d’appui et des liquides ; la gemmule s’élève ; les feuilles séminales ou cotylédons se développent, et la plante rudimentaire se constitue en vertu de sa vie intrinsèque et transmise. Or, pendant cette première période, la provision de matières accumulées se divise en deux parts : l’une est brûlée par une sorte de respiration ; l’autre, éprouvant des actions chimiques compliquées, se transporte dans les organes et s’y fixe en les constituant. Tout se passe à peu près comme dans un animal et sans aucune intervention de la lumière ; mais après cette phase primitive, quand les organes respiratoires ont reçu leur premier développement, la plante attend les rayons du soleil pour continuer son évolution, et aussitôt qu’ils lui arrivent, elle s’incline vers eux comme pour les recueillir avidement, elle devient verte, et commence, pour ne cesser qu’à sa mort, cette décomposition de l’acide carbonique et cette accumulation de matière qui est sa fonction et pour ainsi dire sa prédestination.

Pour mieux étudier cette période de vie intrinsèque de la graine, M. Boussingault vient d’avoir l’heureuse inspiration de la prolonger en retardant indéfiniment l’action de la lumière. L’expérience a été faite sur des pois, dans un sol sans engrais. Après avoir germé, ils ont continué de croître, donnant naissance à une tige blafarde, grêle et rampante qui finissait par périr avant d’avoir porté des graines. Pendant toute cette période, ils ont mis en œuvre les matières organiques primitivement contenues dans la semence, et à mesure que leur vie se continuait péniblement, ils les dépensaient peu à peu pour la prolonger. Finalement, chaque plant avait perdu plus de la moitié du charbon que la graine avait primitivement apporté. Pendant que cette expérience se continuait à l’obscurité, d’autres pois semés au même moment étaient successivement transportés à la lumière. Dès lors, tout changeait, la vie propre se développait, et le végétal, pouvant enfin utiliser la nourriture que l’air contient, gagnait par jour, au soleil, à peu près autant de charbon qu’il en avait précédemment dépensé dans l’obscurité.

Tout se touche dans la nature : les végétaux dans la graine, les animaux dans l’œuf, paraissent accomplir les mêmes actes et se trouver dans les mêmes conditions. De part et d’autre, une masse de matière organique accompagne le germe ; l’œuf et la graine peuvent conserver plus ou moins longtemps le principe virtuel de la vie. Un peu de chaleur commence l’évolution,