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réunion future, il prit la route de terre et traversa le continent grec d’un bout à l’autre, pour aller chercher à la pointe du Péloponèse un des ports où les navires venant d’Antioche et de Chypre faisaient escale, Modon probablement. Chemin faisant, il observait, étudiait, classait dans sa vaste mémoire les trésors d’érudition qu’il répandit ensuite dans ses livres. À l’Acropolis d’Athènes, il remarqua un globe d’airain d’un fort volume qui gisait aux pieds de la statue de Minerve, dans le Parthénon. Il essaya de le remuer, et y réussit à peine en employant ses deux mains. Ayant, demandé ce que cette lourde boule signifiait, il apprit qu’elle servait de mesure à la vigueur des athlètes ; quand il s’en présentait aux magistrats pour combattre dans les jeux publics, on éprouvait leur force en la leur faisant soulever d’une seule main, puis on les classait suivant la hauteur à laquelle ils étaient parvenus : de cette manière, les magistrats pouvaient ordonner les jeux à coup sûr, en appareillant convenablement les combattans. Jérôme trouva l’idée ingénieuse, et, comme son esprit se reportait toujours aux choses morales, il pensa sans doute qu’on pourrait l’appliquer avec quelque avantage à l’éducation des hommes et au gouvernement des sociétés. On ignore s’il rallia ses deux amis à Modon ou seulement au port du Tibre ; mais lui-même nous dit qu’ils se rejoignirent et firent leur entrée ensemble dans Rome.

C’était pour la ville éternelle un grand sujet d’émoi que la convocation d’un concile qui attirait dans ses murs une multitude de personnages distingués en relation avec les patriciens. Chacun voulait, suivant sa fortune et sa qualité, faire, vis-à-vis de ces étrangers, montre d’hospitalité antique, et ce désir se rencontrait même chez les païens, qui comptaient dans les rangs du christianisme des amis, des alliés, des parens. À cet orgueil de la richesse et du rang, les familles chrétiennes en joignaient un autre qui leur était particulier, celui de posséder sous leur toit des prélats illustres, des orateurs, des savans, dont le nom se trouvait dans toutes les bouches. Paula eût bien voulu loger chez elle ce fameux évêque d’Antioche, légitime à Rome, schismatique au-delà des mers ; mais il était déjà pourvu d’un logement ailleurs, et elle dut se contenter d’avoir pour hôte Épiphane. Quant à Jérôme, il appartenait en quelque sorte de droit à Marcella, et quelque hésitation qu’il mit d’abord à céder à ses instances, il dut s’installer, près de la petite église monastique, au palais du mont Aventin.


AMEDEE THIERRY.