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38,000 hommes et commandées par Van Dorn, Price et Lovell, attaquèrent la position de Corinth, où se trouvaient 20,000 fédéraux. Les tentatives de l’ennemi furent repoussées, et dans la soirée du 4 l’armée des assaillans, amoindrie de 8,000 hommes, était en pleine déroute.

Tandis que la fortune des armes redevenait favorable à l’Union, une victoire morale, bien plus importante que tous les succès militaires des Grant, des Buell et des Mac-Clellan, était remportée à Washington. Le président, mettant un terme à ses longues hésitations et comprenant enfin que l’esclavage est le véritable ennemi du peuple américain, osa prononcer la grande parole d’émancipation, conseillée par l’invincible logique des événemens. Le 22 septembre 1862, M. Lincoln rappela sommairement aux rebelles toutes les offres déjà faites, puis il leur annonça qu’au 1er janvier de l’année suivante a toutes les personnes tenues en esclavage dans chacun des états insurgés contre l’Union seraient libres dorénavant et à toujours, que le gouvernement exécutif des États-Unis, y compris les autorités militaires et navales, reconnaîtrait et maintiendrait la liberté de ces personnes, et n’interviendrait en aucune manière pour réprimer leurs efforts tentés en vue d’une complète indépendance. » Cet édit d’émancipation, si considérable dans l’histoire sociale des États-Unis, produisit en même temps les résultats les plus importans au point de vue militaire en fortifiant le pouvoir central. Les républicains, qui avaient élevé M. Lincoln au pouvoir, ne furent pas les seuls à le féliciter; les abolitionistes purs, qui formaient déjà un très grand parti, se rattachèrent franchement à l’administration, pour lui donner l’appui de leurs principes et de leurs convictions éprouvées; beaucoup de démocrates, jusqu’alors hostiles ou hésitans, se rallièrent aussi, parce que la parole émancipatrice annonçait pour l’avenir la fin de la lutte; enfin le 24 septembre, deux jours seulement après la publication de l’appel suprême fait par le président aux états insurgés, les gouverneurs de quinze états du nord se rendaient eux-mêmes ou se faisaient représenter par des tiers dans la petite ville pensylvanienne d’Altoona, pour y voter des résolutions approuvant la politique abolitioniste de M. Lincoln. Par ce vote de formelle adhésion, ils s’engagèrent à soutenir énergiquement dans toutes les circonstances l’autorité constitutionnelle du président, et promirent leur aide pour hâter l’époque du triomphe définitif et le retour de tous les rebelles à l’obéissance. Quant aux nègres du sud, que la proclamation appelait à la liberté, l’écho de leur joie se fit à peine entendre dans les états du nord; mais il n’en est pas moins certain que, devenus les partisans dévoués de l’Union par l’espérance d’être libres un jour, ils ont exercé sur l’issue de la