Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/568

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire chef de parti au lieu de rester simple général. Quelques jours après avoir été forcé d’abandonner le siège de Richmond, il avait profité du premier moment de répit que lui laissait sa glorieuse, mais désastreuse campagne pour tracer au président Lincoln une ligne de conduite, pour lui recommander de ne pas intervenir entre le maître et l’esclave, de peur « qu’une déclaration de principes radicaux au sujet de la servitude des noirs ne démoralisât rapidement l’armée. » Plus tard, il avait longtemps refusé d’obéir aux dépêches du secrétaire de la guerre et du général Halleck, qui lui enjoignaient de quitter la péninsule de Richmond, et lorsqu’il commença l’évacuation de ses cantonnemens, il en avait reçu l’ordre depuis onze jours. Après la bataille d’Antietam et la retraite des confédérés dans la Virginie, un nouveau conflit s’était élevé entre le chef de l’armée du Potomac et le cabinet de Washington. En vain MM. Stanton et Halleck invitèrent-ils le général Mac-Clellan à continuer les opérations militaires pendant la saison favorable de l’automne, avant que le fleuve fût enflé par les pluies et que les chemins fussent complètement détériorés; en vain le général Halleck, en sa qualité de commandant en chef de l’armée, ordonna-t-il à son inférieur, le 6 octobre, de « traverser le Potomac, de livrer bataille à l’ennemi ou de le poursuivre dans la direction du sud. » Pendant quarante jours, Mac-Clellan resta en observation sur la rive gauche du Potomac, laissant ainsi à l’armée vaincue du général Lee tout le temps de se fortifier solidement et de se préparer à une nouvelle offensive. Un des chefs les plus audacieux du sud, le général Stuart, profita même de cette inactivité des fédéraux pour faire, à la tête de 1,800 cavaliers, une razzia de prisonniers et de bétail dans le Maryland et jusqu’à Chambersburg, en plein territoire de la Pensylvanie. Ce n’est pas tout : non content de considérer comme non avenus les ordres qui lui arrivaient de Washington, le général Mac-Clellan outre-passa les pouvoirs qui lui étaient conférés et se hasarda sur le terrain politique. Par un long ordre du jour daté du 7 octobre, il commenta la proclamation présidentielle d’affranchissement de manière à faire croire que les troupes étaient mécontentes d’un acte qui satisfaisait au contraire la masse de l’armée, composée en grande partie d’abolitionistes; il ne craignit pas de blâmer indirectement le président, tout en affectant de recommander à ses soldats la soumission à l’autorité civile. « Lorsque des erreurs politiques sont commises, disait-il dans son ordre du jour, le remède doit en être cherché seulement dans l’acte souverain du peuple parlant par la voix du scrutin. » Cette proclamation intempestive qui posait le général en chef de l’armée du Potomac en protecteur désintéressé du gouvernement ne fut pas sans doute une des moindres causes qui ame-