Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/574

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tistes se croyaient vainqueurs : ils avaient repoussé de 7 kilomètres la droite des fédéraux et capturé vingt-huit pièces de canon, tandis que leur cavalerie, beaucoup plus nombreuse que celle de leurs adversaires, faisait complètement le tour de l’armée du nord, et s’emparait des trains, des équipages, des ambulances. Le général Rosecrans, vaincu dans cette première bataille, ne perdit pas un instant pour opérer un changement de front en vue d’une seconde lutte. Rappelant la division Crittenden et se bornant d’abord à la défensive, il établit solidement ses troupes sur des renflemens de terrain que parsèment des bouquets de cèdres et que bornent au sud de vastes espaces libres où les corps ennemis ne pouvaient s’aventurer sans être fauchés par la mitraille. Pendant trois jours, l’armée de Bragg essaya vainement d’entamer la masse compacte que lui présentaient les régimens fédéraux; elle fut décimée par l’artillerie, et dans une dernière tentative elle perdit 2,000 hommes en moins de quarante minutes. Ce fut le dernier épisode de la sanglante bataille. Pendant la nuit du 2 au 3 janvier, les confédérés battirent en retraite, et le 5 janvier le général Rosecrans fit son entrée à Murfreesborough. La victoire qu’il venait de gagner, et dont l’issue avait été si longtemps incertaine, est l’une des plus sanglantes qui aient été livrées sur le sol américain. Environ 9,000 fédéraux, c’est-à-dire le cinquième de l’armée, furent tués ou blessés. La perte des séparatistes dépassa le chiffre de 12,000 hommes, sans compter les prisonniers.

Après cette terrible rencontre, une espèce de trêve, à peine troublée par d’insignifiantes escarmouches et des expéditions sans portée, régna dans l’immense territoire que l’esclavage et la liberté se disputaient des bords du Potomac à ceux de la Rivière-Rouge. Les rigueurs de l’hiver et peut-être aussi une véritable lassitude, provenant départ et d’autre d’un certain équilibre des forces, firent remettre au printemps les sérieuses opérations militaires. D’ailleurs il était indispensable de réorganiser les deux armées en prévision des campagnes futures. En janvier 1863, la liste des absens du service ne s’élevait pas à moins de 8,987 officiers et de 282,073 soldats pour tous les régimens du nord, dont la force nominale était de 700,000 hommes. Sur ce nombre énorme d’absens, on comptait dans les hôpitaux 130,000 blessés et malades : la majorité de ceux qui manquaient à l’appel consistait donc en traînards, en maraudeurs et réfractaires. Le congrès dut venir en aide au pouvoir exécutif : il lui donna le droit de recruter une nouvelle armée par un système de conscription applicable à tous les citoyens de l’Union âgés de vingt à quarante-cinq ans.