Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/576

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’ordonnant pas l’occupation des falaises de Port-Hudson et de Vicksburg, qui étaient alors des proies faciles, fit les plus grands efforts pour réparer sa fatale négligence, et mit sous les ordres du général Grant et de l’amiral Porter sa plus belle armée et sa plus forte escadre de vapeurs blindés. De son côté, le gouvernement séparatiste, sachant que la perte définitive du Mississipi entraînerait tôt ou tard la ruine complète du sud comme nation indépendante, ne cessait d’envoyer aux deux places menacées des soldats, des approvisionnemens et des munitions de guerre. Le président Jefferson Davis se rendit lui-même à Vicksurg pour animer les défenseurs à une résistance acharnée. Dans sa harangue, il exprima le vrai mot de la situation : « Que ces deux boulevards de notre liberté résistent, et la confédération vivra; qu’ils tombent, et la confédération s’écroule avec eux. »

Le premier but du général Grant devait être évidemment d’isoler Vicksburg, ou du moins de couper cette place de ses communications avec Port-Hudson, en s’emparant de la partie du fleuve comprise entre les deux villes. Au premier abord, cette œuvre parut assez facile. Pendant l’été de 1862, le général unioniste Williams avait eu l’ingénieuse idée de tracer un canal à travers l’isthme étroit qui sépare deux méandres du Mississipi, en amont et en aval de Vicksurg. Une fois creusé, ce canal, livrant passage aux eaux du grand fleuve, eût épargné aux navires fédéraux un détour de 30 kilomètres, et, chose bien plus importante, il leur eût permis d’éviter les batteries de Vicksurg et de voguer librement sur tout le cours du Mississipi, de Saint-Louis à la Nouvelle-Orléans; mais les travaux sérieux furent à peine commencés en 1862, et lorsque le général Grant arriva devant Vicksurg, la tranchée du canal était déjà presque entièrement comblée par les boues. On se remit à l’œuvre avec énergie. Le tracé fut modifié afin de donner une plus grande force d’érosion au courant du fleuve, et bientôt les soldats de plusieurs régimens et des milliers de nègres recrutés sur les plantations voisines enlevaient la terre d’alluvions sur toute l’étendue du canal projeté. A quelques pieds de profondeur, l’abondance de l’eau boueuse qui pénètre le sol empêcha la continuation des travaux. On introduisit alors directement les eaux du Mississipi dans la tranchée afin que cette masse liquide, trouvant tout à coup une issue en ligne droite sur le plan incliné de l’isthme, se creusât à elle-même son lit; mais sous la couche superficielle des alluvions s’étend en cet endroit, comme dans toute la partie centrale de la vallée du Mississipi, une assise d’argile compacte et presque rocailleuse que le courant du fleuve ne parvint pas à entamer. De petits vapeurs seulement, des transports d’un faible tirant d’eau purent s’engager dans la brèche de l’isthme et gagner l’anse méridionale du méandre