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rive gauche du fleuve, non loin de la petite ville de Williamsport. L’occasion était favorable, car le Potomac, grossi par les pluies, rendait la retraite difficile aux confédérés : si Meade les avait attaqués sans tarder, peut-être eût-il capturé une grande partie de l’armée du sud ; mais il se borna, pendant la journée du 13, à opérer de fortes reconnaissances, et dans la matinée du 14, lorsqu’il se préparait à livrer bataille, il s’aperçut que le général Lee avait profité de la nuit pour franchir le fleuve sur un pont construit avec de vieux bateaux et les charpentes de maisons ruinées. Les détachemens de cavalerie fédérale réussirent seulement à faire quelques milliers de prisonniers, tandis que le gros de l’armée du sud, protégé par le cours du Potomac et par la chaîne des Montagnes-Bleues, remontait la vallée de la Shenandoah et se dirigeait vers ses anciens cantonnemens des bords du Rappahannock. Ainsi se termina cette campagne d’invasion qui devait avoir pour résultat la chute de Washington et la ruine de la république américaine. En moins de deux mois, le général Lee avait perdu 37,000 hommes tués, blessés ou prisonniers, plus du tiers de son armée. L’Union se relevait plus forte après cette invasion qui devait lui porter le coup de grâce.

À la nouvelle des événemens de Gettysburg, la joie fut d’autant plus grande dans le nord qu’elle succédait à une profonde anxiété. Partout le peuple comprit que ces trois terribles journées, les plus sanglantes de la guerre, avaient été vraiment le paroxysme de la crise qui depuis plus de deux années déjà mettait en péril le salut de la république. Désormais on considéra le cap des Tempêtes comme définitivement doublé, on sentit qu’en dépit de toutes les vicissitudes et de tous les malheurs tenus en réserve par l’avenir le sort même de la nation ne serait plus exposé aux hasards des combats comme il l’avait été sur les collines de Gettysburg. Le jour qui suivit la bataille, et pendant lequel la nouvelle de la victoire se répandit dans tous les états du nord, était précisément le 4 juillet, jour anniversaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis. Par une singulière coïncidence, bien faite pour frapper les populations superstitieuses des états à esclaves, c’est également le 4 juillet, alors que toutes les villes de l’Union célébraient avec enthousiasme la grande fête nationale et le triomphe du général Meade, que Vicksurg, le boulevard de la confédération rebelle sur le Mississipi, ouvrit ses portes au général Grant. Ainsi la cause de l’Union remportait en même temps une grande victoire sur chacun des deux points les plus importans de l’immense territoire disputé. À l’est des Alleghanys, l’armée du Potomac dégageait Washington et reprenait l’offensive ; à l’ouest, dans la vallée du Mississipi, les soldats de Grant rouvraient aux vaisseaux du nord le cours du fleuve, l’artère centrale du continent.