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veau traverser le fleuve vis-à-vis de l’embouchure du ruisseau de Chickamauga. Cette manœuvre réussit à merveille. Surprises dans la matinée par une attaque de flanc, les troupes d’avant-postes qui gardaient les premiers renflemens de la chaîne du Missionary-Ridge se replièrent sur le gros de l’armée confédérée, abandonnant ainsi au général Sherman la rive méridionale du fleuve. Peu à peu le champ de bataille se rétrécissait autour de la crête de montagne occupée par le général Bragg. Le 25 au matin, l’artillerie de Chattanooga et celle d’Orchard-Knob commencèrent à tonner contre les ouvrages du Missionary-Ridge, tandis que Sherman essayait de poursuivre ses avantages de la veille en attaquant la droite de Bragg, postée sur une colline qui prolonge au nord la crête principale de la chaîne. Il atteignit en effet le point culminant de la hauteur, et parvint à s’y maintenir pendant une heure environ ; mais, toutes les troupes de la réserve ayant été lancées contre lui, il dut se retirer après une lutte sanglante. C’est alors que le général Grant donna l’ordre de l’attaque au centre de l’armée massée à la base du Missionary-Ridge, dans la vallée de Chattanooga. L’attaque se fit au pas de course. En quelques instans, les rebelles furent chassés de leurs tranchées et s’enfuirent en foule par tous les sentiers qui sillonnent obliquement la pente de la montagne. Derrière eux, les fédéraux couraient en désordre, s’arrêtant de temps en temps pour décharger leurs fusils et s’encourageant les uns les autres par des hourrahs. Ce fut comme un coup de théâtre. À peine les quarante pièces de canon placées sur la crête eurent-elles vomi leurs boulets et leur mitraille sur les assaillans que ceux-ci atteignaient le sommet, s’emparaient de l’artillerie et la retournaient contre les fuyards. En même temps le général Hooker apparaissait sur la montagne en arrière des vaincus et coupait la retraite à des milliers d’entre eux. Il continua la poursuite jusqu’à la ville de Ringgold, située à 30 kilomètres au sud-est de Chattanooga ; mais là il fut arrêté par une vigoureuse résistance de l’arrière-garde confédérée. Pendant ces trois jours de lutte, les pertes réunies des deux armées en tués et blessés s’élevèrent à 4 ou 5,000 hommes.

La grande victoire de Chattanooga, beaucoup moins sanglante et néanmoins beaucoup plus importante par ses résultats que la bataille de Chickamauga, n’assura pas seulement aux fédéraux la possession incontestée du centre géographique et stratégique des états à esclaves ; elle consolida aussi, par contre-coup, la conquête longtemps précaire de Knoxville et du Tennessee oriental. Le général Burnside, n’ayant à sa disposition que des forces peu considérables, avait eu à subir une série de revers partiels. Ses convois avaient été capturés, plusieurs détachemens isolés de sa petite armée avaient été surpris et faits prisonniers ; enfin il avait été obligé de resserrer