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les magasins, puis il attaquait de vive force la ville de West-Point et y logeait une partie de ses troupes. Trompés par ces grands travaux et ces manœuvres, les généraux confédérés massaient leurs forces sur le chemin de fer de Richmond à West-Point et semaient le fleuve de machines infernales. Soudain Butler disparaît avec son armée. Profitant de la nuit pendant laquelle le général Grant franchissait le Rapidan, il embarque ses soldats sur des transports, double la péninsule de Yorktown et la forteresse Monroe, entre dans le James-River, dont les bords sont presque complètement dégarnis de garnisons rebelles, s’empare successivement de tous les forts, puis de la ville de City-Point, et, sans avoir perdu un seul homme, se loge heureusement dans la péninsule de Bermuda-Hundred, située à 25 kilomètres au sud-est de Richmond. Dans cette forteresse naturelle, protégée sur toutes ses faces, au nord et à l’est par le James-River, au sud par le fleuve Appomatox, à l’ouest par une zone de marécages, le général Butler pouvait facilement se défendre contre une armée bien supérieure en nombre; en outre il forçait l’ennemi à maintenir en face de lui des corps de troupes considérables pour empêcher la destruction du chemin de fer de Richmond à Petersburg, tête de ligne de la plupart des voies ferrées qui réunissent aux états du sud la capitale de la confédération. Nul doute qu’en ordonnant à Butler d’occuper Bermuda-Hundred, le général Grant n’ait eu l’intention d’en faire sa grande place d’armes pour entreprendre plus tard le double siège de Petersburg et de Richmond. Ne pouvant espérer d’écraser complètement un adversaire aussi redoutable que le général Lee, il comptait du moins l’affaiblir graduellement par une série de batailles, le rejeter dans la capitale du sud et le prendre ensuite à revers en transférant son armée dans la péninsule si habilement conquise par le général Butler.

Pendant que celui-ci se fortifiait en toute hâte dans la presqu’île de Bermuda, l’armée du Potomac continuait de marcher vers Richmond dans son propre sang et dans celui de l’ennemi. Chaque jour, c’était une nouvelle bataille où les morts et les blessés se comptaient par milliers ; les soldats dormaient sous les armes et souvent combattaient la nuit, ou bien exécutaient de longues marches. Le 8 au soir, les unionistes, à peine arrivés de Wilderness, attaquent à trois reprises la première ligne des retranchemens confédérés et s’en emparent après avoir perdu 1,500 hommes; mais Lee garde toujours le village de Spottsylvania et la vallée du Po. Le 9 mai, nouveaux combats, dans l’un desquels tombe le général Sedgwick, l’un des chefs les plus braves et les plus aimés de l’armée du nord. Dans la soirée, la droite, commandée par Hancock, réussit à franchir le Po et menace le flanc gauche du général Lee. Le 10, une bataille non moins terrible que celle de Wilderness éclate sur toute la