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ligne. Les confédérés prennent de nouveau l’offensive, mais ils sont repoussés dans l’épaisseur des bois après un sanglant carnage. A leur tour, les fédéraux, soutenus par une canonnade furieuse, attaquent les hauteurs, où les masses ennemies se sont disposées en un long triangle, semblable à celui des forces de Meade sur les coteaux de Gettysburg. Les bombes mettent le feu à la forêt; bientôt une partie du champ de bataille devient un grand brasier; les morts et les blessés sont calcinés sur le sol brûlant, et néanmoins les deux armées continuent de lutter au milieu des flammes et de la fumée. Bien avant dans la nuit, lorsque la lassitude mit fin à la tuerie, les fédéraux restaient les maîtres du champ de bataille; toutefois Lee tenait encore dans Spottsylvania. Le lendemain 11, on se borna de part et d’autre à de légères escarmouches; mais dans la nuit le corps de Hancock, qui formait la droite fédérale, fut transféré secrètement à l’extrême gauche, et le soleil se levait à peine pour éclairer un autre jour de bataille que la célèbre brigade de « Stonewall » était entourée sans bruit et capturée tout entière avec ses généraux. Aussitôt un nouveau choc eut lieu sur toute la ligne; mais l’élan des confédérés ne put rien contre la solidité des unionistes, et pendant la nuit le général Lee évacua Spottsylvania pour se porter en toute hâte à près de 40 kilomètres plus au sud, dans une forte position entourée de chemins de fer et défendue au nord par un large affluent du Pamunkey, le North-Anna. Depuis le passage du Rapidan par les fédéraux, la perte totale des armées ennemies s’élevait à 40,000 ou 50,000 hommes, tués, blessés et prisonniers.

Ces effrayantes hécatombes n’ébranlèrent point la tenace volonté des deux adversaires, et les batailles qui suivirent furent à peu de chose près la répétition de celles de Wilderness et de Spottsylvania; toutefois Lee, se rapprochant peu à peu de sa base d’approvisionnemens et couvert par des lignes de défense de plus en plus solides à mesure qu’il se repliait sur Richmond, était relativement plus fort à chaque pas fait en arrière, tandis que Grant, traînant avec lui d’immenses convois d’approvisionnemens, devenait de moins en moins puissant pour l’attaque dans ce pays ennemi où tout était obstacle. Aussi devait-il, après chaque bataille, manœuvrer dans la direction du sud-est, afin de se rapprocher de la rivière James, où l’attendaient ses transports de munitions et de vivres. Pendant toute une semaine, il s’acharna contre la position occupée par le général Lee entre le North-Anna et le South-Anna; mais, n’ayant pas réussi à déloger son adversaire, il eut recours à une marche de flanc que les confédérés, trop affaiblis, n’osèrent point interrompre, et franchit le Pamunkey pour reprendre sa marche vers la péninsule. Par ce mouvement oblique, que les soldats comparent pittoresquement à