Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/625

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celui de l’écrevisse, le général Grant força l’armée ennemie d’abandonner au plus tôt ses positions et de se retrancher sur les bords du Chickahominy, dernière vallée qui couvre Richmond du côté du nord. Là de nouveaux assauts sont livrés, une autre bataille sanglante moissonne des milliers d’hommes; de nouveau les troupes de Grant doivent rentrer dans leur camp sans avoir forcé les lignes de l’ennemi. Ne voulant pas risquer son armée dans les marécages insalubres où Mac-Clellan avait perdu la moitié de la sienne deux années auparavant, il exécute, sans être inquiété, un second mouvement oblique et transfère ses troupes dans le vaste camp retranché que forme la péninsule comprise entre la rivière James et l’Appomatox.

Là, sans inquiétude pour ses approvisionnemens et ses renforts, qui lui arrivent désormais tous les jours par la rivière James, le général Grant jouit d’une complète liberté de mouvemens et n’a plus à craindre d’être tourné par l’ennemi. Il peut s’occuper uniquement de ses opérations de siège, et certes l’œuvre est assez grande pour qu’il y applique toute son énergie. L’espace que défendent Lee et Beauregard, les deux généraux les plus fameux du sud, et dans lequel on peut dire que la confédération a risqué son avenir tout entier, ne se compose pas de la seule ville de Richmond; elle comprend aussi Petersburg et le chemin de fer qui réunit les deux cités. L’ensemble des retranchemens forme en réalité une énorme citadelle dont le front, long de 40 kilomètres, offre de formidables ouvrages comme ceux de Petersburg et de Drury’s-Bluff. Derrière ces fortifications, une voie ferrée peut en quelques heures transporter la garnison sur tous les points menacés. Ce sont là les retranchemens que Grant, solidement retranché lui-même, cherche à percer sur un point ou sur un autre afin d’isoler Richmond de ses communications avec le sud et d’en faire une simple enclave des états libres, destinée à tomber tôt ou tard, et par la force même des choses, au pouvoir des fédéraux. Le siège dure déjà depuis plus de trois mois; mais Grant ne se lasse pas plus devant Richmond qu’il ne s’est lassé devant Vicksburg. On a voulu d’abord lui faire lâcher prise par des assauts directs; il les a repoussés. Ensuite le gouvernement confédéré, profitant d’une défaite du général unioniste Hunter, a lancé par la vallée de la Shenandoah une armée de 15,000 fourrageurs qui ont fait main basse sur les chevaux et le bétail des fermiers du Maryland et sont même venus parader sous les murs de Washington; mais Grant s’est borné à faire une simple tournée d’inspection sur les bords du Potomac, et c’est aussitôt après son retour qu’il ordonnait le terrible assaut livré inutilement contre les forts du cimetière de Petersburg. Depuis cet échec, il a conquis d’importantes positions au nord de la rivière James, et s’est emparé, après deux jours de bataille, du chemin de fer de Weldon,