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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/627

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laissant au vainqueur de nombreux prisonniers et un matériel de guerre considérable. Déjà l’ancien domaine de la confédération est tellement aminci par suite des conquêtes successives des unionistes, que les détachemens partis de Pensacole, sur le golfe du Mexique, peuvent coopérer avec ceux que Sherman expédie d’Atlanta. En outre, l’amiral Farragut, passant victorieusement devant les forts de la baie de Mobile comme il passa naguère devant ceux de l’embouchure mississipienne et devant Port-Hudson, a porté un terrible coup à l’empire des planteurs; car si Mobile tombe au pouvoir des fédéraux, l’état du Mississipi, celui de l’Alabama et toutes les vallées géorgiennes tributaires de la baie de Mobile tomberont en même temps.

Dans l’état actuel des choses, il serait complètement inutile de hasarder des prédictions, car les événemens se déroulent assez vite pour qu’on ait la patience d’attendre leur verdict suprême; toutefois il suffit de constater sans parti-pris ce qui s’est accompli depuis le commencement de la guerre pour rester convaincu que la démocratie du nord peut triompher de la rébellion et reconstruire dans son entier la république fédérale. Il suffit pour cela qu’elle le veuille. Malgré ses dissensions intestines, malgré les efforts des traîtres du dedans qui restent dans l’Union pour mieux servir les esclavagistes, malgré les intrigues des agioteurs et des fournisseurs qui ont tout intérêt à voir la guerre se prolonger, malgré la profonde agitation électorale qui précède toujours de plusieurs mois le jour de l’élection présidentielle, les armées du nord ont pénétré jusqu’au centre du territoire confédéré et en menacent à la fois tous les points importans, Richmond, Charleston, Mobile. Certes, les hommes du sud combattent avec toute l’énergie dont sont capables des Américains ; mais les citoyens qui luttent contre eux ont aussi la grande vertu yankee de la ténacité. Dans la guerre à outrance qu’ils soutiennent contre les états du nord, les rebelles ont tous engagé leur honneur, leur fortune et leur vie. Ils ont pour eux les avantages que procurent un vaste territoire, une centralisation despotique, une solide organisation des armées et même la nécessité d’agir rapidement, afin de ménager leurs ressources. Pendant les trois années qui viennent de s’écouler, ils ont vécu seulement pour la guerre : c’est là leur force actuelle, mais c’est aussi leur faiblesse prochaine, car la guerre ne peut être alimentée que par les ressources de la paix, le commerce, l’industrie, l’agriculture, l’instruction publique. Plus heureuse, la société du nord a continué de vivre d’une vie normale et de cultiver les arts de la civilisation; tout en soutenant la terrible lutte et en faisant combattre ses soldats sur le sol ennemi, elle n’a cessé de travailler et de développer les immenses richesses de son territoire. Comme les ouvriers de Néhémie construisant le temple, les citoyens des États-Unis ont d’une main le glaive et de