Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/643

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prince de Metternich[1], écrite encore au mois de février, le ministre autrichien s’était exprimé de même sur le peu de probabilité d’obtenir un succès quelconque à Saint-Pétersbourg par des représentations amicales, « et une invitation plus sérieuse serait une mesure d’une telle gravité qu’on ne pourrait y recourir sans la plus mûre délibération. » M. de Rechberg ne repoussait donc pas d’emblée l’idée d’une invitation plus sérieuse à adresser à la Russie (comme il avait par exemple repoussé catégoriquement la proposition française au sujet de la Prusse), il la suscitait même en quelque sorte; il pensait seulement qu’elle demanderait une mûre délibération. Dans cette même communication, on trouve encore un autre passage beaucoup plus significatif. «En réponse aux observations confidentielles de l’ambassadeur de France quant aux avantages probables pour l’Autriche du contraste de sa conduite et de celle de la Prusse et de la Russie envers les Polonais,... le gouvernement autrichien, sous ce rapport, aurait la plus grande répugnance à soulever prématurément les questions et les éventualités qui ne paraissent pas encore imminentes. » Ces questions et ces éventualités paraissaient donc seulement prématurées, mais non impossibles ni inadmissibles; elles répugnaient uniquement parce qu’elles n’étaient pas encore imminentes!

Dès le 14 février du reste, le gouvernement autrichien s’était empressé de démentir dans son journal semi-officiel divers « bruits absurdes » qui couraient sur son compte, « et en particulier ceux qui allaient jusqu’à mettre en avant des conjectures touchant l’occupation du trône de Pologne (dépêche de lord Bloomfield du 15 février). » Deux semaines plus tard, le comte Rechberg déclarait à l’ambassadeur anglais (dépêche du 26 février) « que l’Autriche avait pris pour ligne de conduite une indépendance complète, ce qu’il croyait le meilleur calcul pour la protection des intérêts de l’Autriche et le maintien de la paix en Europe; mais, pendant qu’elle maintenait tous ses engagemens internationaux, elle se réservait le droit de changer d’attitude, s’il lui devenait plus tard avantageux de le faire. » De quel côté s’opérerait alors ce changement, et de quelle manière saurait-il devenir avantageux? Comment se reconnaître en général au milieu de ce langage ondoyant et fuyant de la diplomatie autrichienne, qui se bornait seulement à affirmer que le rétablissement du royaume dans les conditions de 1815 « n’est pas suffisant pour pacifier la Pologne[2], » sans indiquer s’il fallait alors

  1. Cette communication, destinée au cabinet des Tuileries, a été présentée aussi en copie par le comte Appony à lord Russell, qui la résume dans sa dépêche à lord Cowley du 21 mars.
  2. Réponse du comte Rechberg au comte Russell, citée dans la dépêche de ce dernier à lord Cowley, du 21 mars.