Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/649

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temporaine, après 1831, 1846, 1848 et 1856. Le panslavisme trouvait alors parmi les Polonais eux-mêmes quelques esprits emportés, ulcérés, qui, par désespoir et dépit, embrassaient cette « idée vengeresse, » et servaient avec d’autant plus de dévouement et de succès la cause prônée par la Russie qu’ils n’étaient pas des agens salariés, mais des auxiliaires sincères, des enthousiastes de la haine. Le marquis Wielopolski en est l’exemple le plus marquant, et il ne fallait pas être doué d’une grande faculté de divination pour prédire à cette propagande une nouvelle et redoutable extension, si la Pologne allait cette fois encore être abandonnée à la farouche vengeance de son oppresseur.

Envisagée à ce point de vue, la situation de l’Autriche par rapport à la cause polonaise n’était donc ni aussi simple ni aussi tranchée et « nécessairement et fatalement hostile » que voulaient bien l’affirmer des esprits superficiels, les know-nothing de la politique démocratique et apodictique de nos temps. Il y avait là évidemment un ordre d’idées favorable dont on pouvait tirer parti; il y avait là, pour emprunter une expression de M. Billault, « des intérêts manifestes offrant un point d’action sérieux, » plus sérieux dans tous les cas qu’une tentative amicale faite auprès de la Russie, plus sérieux aussi assurément qu’une représentation collective au nom des traités de 1815 que recommandait obstinément l’Angleterre. Certes le cabinet des Tuileries fit preuve d’une judicieuse ouverture d’esprit, d’une remarquable hauteur de vues, d’une grande sûreté de coup d’œil, quand il calcula les chances qui se présentaient pour la Pologne du côté de l’Autriche. Disons-le encore, le gouvernement français ne pouvait donner aux Polonais de meilleur gage de sa bonne volonté, de son sincère désir de porter un secours efficace à leur infortune qu’en prenant ainsi la détermination subite d’entrer à leur sujet en négociations avec le cabinet de Vienne, de se rapprocher d’une puissance qu’il avait naguère combattue, et qui ne laissait pas de lui inspirer une certaine répugnance. Est-ce à dire pourtant que poser ainsi le problème, c’était déjà le résoudre, et qu’il suffisait seulement d’entrevoir et de plaider la possibilité d’une pareille solution pour en assurer aussitôt le succès? Non malheureusement. On n’a développé jusqu’ici que le côté brillant et pour ainsi dire idéal de la situation de l’Autriche par rapport à la question polonaise : on a tenu à expliquer, à justifier la démarche du cabinet des Tuileries auprès de celui de Vienne dans la seconde moitié de mars 1863; il reste maintenant à exposer brièvement les réalités bien moins encourageantes, les obstacles innombrables que devait rencontrer cette tentative du gouvernement français, et qui la firent échouer en effet.