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dans les conditions d’une paix durable. C’est précisément sur le choix des moyens qui peuvent conduire à ce résultat qu’il serait désirable de s’entendre. »

En somme, la Russie se montrait « disposée à un échange d’idées, » et les trois cours se mirent à l’œuvre pour formuler le programme de leurs demandes. Là commencèrent les embarras, suite inévitable de l’abandon de la seule base diplomatiquement fixe qu’avaient offerte les stipulations de Vienne, et l’Autriche usa de toute son habileté pour réduire le programme à l’état d’ombre, de cette ombre même d’institutions soi-disant nationales dont, à ce qu’elle assurait, jouissait la Galicie ! C’est ainsi qu’après un travail de deux cruels mois (17 juin) furent élaborés les « six points » impossibles, irréductibles, que l’Autriche trouva cependant encore le moyen de réduire dans sa dépêche, que l’Angleterre acceptait comme un pis aller, et que la France admettait « uniquement comme point de départ des conférences. » Cette demande des conférences fut la seule chose sérieuse du programme ; encore l’Angleterre n’appelait-elle à ces conférences que les huit signataires du traité de Vienne[1] ; la France, au contraire, « aurait attaché du prix à ce que l’Europe entière fût appelée à participer aux négociations, » tandis que l’Autriche déclarait seulement « n’avoir pas d’objection contre des pourparlers ou des conférences entre les huit puissances, si la Russie en reconnaît l’opportunité ; » Lord Russell insista de plus sur « une suspension des hostilités ; » M. Drouyn de Lhuys recommanda « une pacification provisoire fondée sur le maintien du statu quo militaire ; » M. de Rechberg s’en tint « à former des vœux sincères pour que la sagesse du gouvernement russe parvînt à arrêter une déplorable effusion de sang. » La divergence entre les trois cours intervenantes éclatait ainsi sur chaque question importante, et bientôt on apprit que le cabinet des Tuileries avait vainement essayé de faire accepter à l’Angleterre et à l’Autriche, sous la forme d’une convention ou d’un protocole, » l’engagement de poursuivre de concert le règlement de l’affaire de Pologne par les voies diplomatiques ou autrement, s’il était nécessaire[2], » En même temps les ministres britanniques multipliaient dans le parlement les assurances qu’en aucun cas l’Angleterre ne ferait la guerre. La situation parut mûre au prince Gortchakov ; la saison était du reste assez avancée pour ôter jusqu’à la moindre appréhension de quelque « coup hardi : » il fit un retour offensif et rédigea ses réponses (13 juillet) dans ce style hautain et tranchant où excelle M. Hamburger, la grande

  1. Il semblerait cependant que l’Angleterre se réservait de demander l’admission aux conférences « d’un représentant du gouvernement insurrectionnel. » Voyez le discours de lord Palmerston dans la chambre des communes (séance du 20 juillet 1863).
  2. Dépêches au baron Gros et au duc de Gramont, 20 juin.