Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/703

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discipline inflexible. Elle était sans doute sévèrement tenue au moment du danger, et ne s’en plaignit jamais. Aucune autre n’a supporté plus de fatigues et exécuté de plus grands ouvrages; mais quand le péril était passé, la discipline se détendait. César permettait à ses soldats le repos et quelquefois le plaisir. Il les laissait se couvrir d’armes brillantes et même se parer avec recherche. « Qu’importe qu’ils se parfument? disait-il. Ils sauront bien se battre. » Et en effet ces soldats, que les pompéiens appelaient des efféminés, sont les mêmes qui, mourant de faim à Dyrrachium, déclaraient qu’ils mangeraient l’écorce des arbres plutôt que de laisser échapper Pompée. Ils étaient recrutés en grande partie parmi ces Gaulois cisalpins auxquels la civilisation romaine n’avait pas ôté les qualités qu’ils tenaient de leur origine, race aimable et brillante qui aimait la guerre et la faisait gaîment. Les chefs ressemblaient beaucoup aux soldats ; ils étaient vifs et ardens, pleins de ressources dans les momens critiques, et se fiant plus à l’inspiration qu’à la routine. Il est à remarquer qu’aucun d’eux n’avait acquis sa réputation dans des guerres antérieures. César semble avoir voulu que leur gloire militaire ne datât que de lui. Quelques-uns, et parmi eux le plus grand peut-être, Labienus, étaient ses amis politiques, d’anciens conspirateurs comme lui, qui d’agitateurs populaires étaient devenus à son exemple et sans plus d’étude d’excellens généraux. D’autres au contraire, comme Fabius Maximus et Servius Galba, portaient des noms illustres; c’étaient des partisans qu’il se faisait par avance dans l’aristocratie ou des otages qu’il prenait sur elle. Les plus nombreux, Crassus, Plancus, Volcatius Tullus, Decimus Brutus, et plus tard Pollion, étaient des jeunes gens qu’il traitait avec une préférence marquée, et auxquels il se fiait volontiers pour les entreprises hasardeuses. Il aimait la jeunesse par une sorte de goût naturel, et aussi par politique; comme elle n’était encore engagée dans aucun parti et qu’elle n’avait pas eu le temps de s’attacher à la république en la servant, il espérait qu’elle aurait moins de peine à se façonner au régime nouveau qu’il voulait établir.

Ces lieutenans, dont le nombre variait, ne formaient pas seuls le cortège ordinaire d’un proconsul. Il faut y joindre cette foule de jeunes Romains, enfans d’illustres maisons, désignés d’avance aux honneurs par leur naissance, qui venaient faire sous lui l’apprentissage de la guerre. On les appelait ses camarades de tente, contubernales. Soldats comme les autres et payant de leur personne les jours de bataille, ils redevenaient après le combat les amis, les compagnons du chef, qu’ils suivaient dans toutes ses expéditions, comme les cliens accompagnaient leur patron dans la ville. Ils assistaient à ses entretiens, ils étaient de toutes ses récréations et de