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domaines nationaux, à contracter tous les deux ans un emprunt de 500 millions. Elle ne peut vivre qu’à crédit, et elle s’expose à ne plus trouver le crédit à force de le fatiguer. Un peuple peut et doit supporter une telle situation, quand il se l’impose pour atteindre un grand objet patriotique nettement déterminé et prochain; mais dans le vague, dans l’indéfini, dans l’incertain, une telle position n’est pas tenable, et il est insensé et criminel de la prolonger.

Nous supposons que le gouvernement italien a envisagé sa situation dans sa cruelle vérité, lorsqu’il a vu le tour imprimé, vers la fin du printemps, à la politique générale de l’Europe. Il fallait prendre sur-le-champ un grand parti, et le prendre aussi honorablement que possible. Le gouvernement italien, pour arrêter une résolution, devait se tourner vers le gouvernement français, si étroitement uni aux nouvelles destinées de l’Italie; il devait adresser à la France des interrogations aussi sérieuses et aussi pressantes que celles qu’il s’était posées à lui-même. L’accord renouvelé des puissances du Nord ne donnait-il pas une réelle opportunité à un rapprochement plus marqué entre la France et l’Italie? Nous nous figurons que lorsque les négociateurs italiens, l’aimable et confiant marquis Pepoli ou le jeune et habile ministre M. C. Nigra, commencèrent à tâter le terrain et firent leurs premières ouvertures, les choses n’avaient pas l’aspect qu’elles ont pris dans la convention du 15 septembre. Des hommes courtois et désireux de réussir ne pouvaient avoir la pensée d’entamer l’affaire avec M. Drouyn de Lhuys, arrivé au pouvoir pour interrompre la politique du dernier entretien de M. de Lavalette avec le cardinal Antonelli, en lui proposant d’emblée la mesure qui devait être le dernier mot de la politique de son prédécesseur, l’évacuation de Rome par nos troupes. Non, les Italiens ont dû aborder en France qui de droit avec le langage le plus réservé et le plus coulant à l’endroit de Rome. Les têtes politiques de l’autre côté des Alpes s’étaient, depuis quelque temps, bien pénétrées de deux choses : la première, que l’Italie ne peut trouver d’appui efficace qu’en France; la seconde, que, la question romaine étant pour la France une grande difficulté, il fallait, sur ce point, user envers nous de ménagemens et de discrétion. Les têtes politiques italiennes essayaient donc, depuis un certain temps, de se faire, comme on dit, une raison au sujet de cette question délicate. Nous nous souvenons qu’il y a plusieurs mois un homme sagace, M. Boncompagni, émettait dans la chambre italienne l’idée qu’il était possible d’entrer en négociation avec le pape, sans exciter dans l’assemblée aucun mouvement de mécontentement ou de surprise. Quand on est donc venu nous présenter l’exposé des nécessités pressantes de l’Italie, nous nous figurons que l’on nous a tenu à peu près ce langage : « Rassurez-vous. Nous n’allons pas vous parler de Rome; nous savons quels sont de ce côté vos embarras et vos soucis, et nous avons à cœur de ne point les aggraver au moment où nous vous demandons un concours que nous n’avons l’espoir de trouver qu’en vous. » Cette précaution oratoire nettement articulée, on a dû