Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/767

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préparatoire de la discussion publique; il y a des hommes auxquels le public donne carte blanche, par lesquels il se laisse conduire les yeux fermés, sûr d’avance d’être mené par les voies même les moins directes au but poursuivi. Cavour était un meneur de cette trempe. Il n’en existe plus de semblable en Italie depuis la mort de Cavour, et c’est pour cela qu’il eût été si important de mettre le public sur la voie de ce qui se préparait. Ce silence, que l’on a cru habile, a été une lourde et regrettable maladresse.

Cette faute principale a été la cause des méprises et des contre-temps qui se sont succédé. Y a-t-il par exemple rien de plus étrange que la chute d’un ministère suivant avec une rapidité foudroyante un grand succès diplomatique obtenu par ce même ministère? N’est-il pas singulier que dans un pays aussi parlementaire que l’Italie le cabinet ait été obligé de se retirer à la veille de la réunion des chambres, frappé de destitution par le roi? Des troubles, rendus plus graves par ces déplorables accidens qu’il n’est au pouvoir de personne de prévenir lorsqu’on met dans les rues des soldats munis de cartouches aux prises avec les foules passionnées, avaient, il est vrai, éclaté à Turin; mais la cause politique de ces troubles, le déplacement de la capitale introduit parmi les arrangemens convenus avec la France, était sans doute le fait commun du roi et des ministres. Les mesures d’ordre n’avaient pas été bien prises ou avaient été traversées par des incidens déplorables ; là encore pouvait-on accuser avec tant de sévérité les ministres qui avaient confié la direction des mesures militaires à un ami particulier du roi, au général della Rocca? Un souverain qui oblige des ministres engagés dans sa propre politique à se retirer devant une émotion populaire donne un spectacle fâcheux. De pareils procédés augmentent le trouble moral des esprits. La situation s’est compliquée d’une crise ministérielle. Dans un moment où l’union des hommes politiques d’Italie est si nécessaire, une nouvelle cause a été ainsi fournie aux dissidences personnelles. La réunion du parlement, les explications publiques sur le caractère et la portée des nouveaux arrangemens étaient aussi une des plus urgentes nécessités de l’heure présente; par un autre contre-temps, la première conséquence de la crise ministérielle a été l’ajournement de la réunion des chambres au 25 octobre. Nous souhaitons vivement que l’ajournement des chambres ne soit pas le prélude d’une dissolution du parlement. On dit bien, il est vrai, que le parlement actuel, ayant voté la proclamation de Rome comme capitale de l’Italie, ne pourrait avec sincérité et autorité sanctionner la politique qui renonce à placer la capitale dans Rome. Hélas! on tomberait dans des contradictions bien autrement graves, si l’on recourait en ce moment à des élections générales. Le premier besoin de l’Italie, c’est d’être éclairée par la discussion publique sur les conditions nouvelles qui lui sont faites; son plus pressant intérêt, c’est que tous ses hommes politiques mettent de côté leurs griefs et leurs dissentimens personnels, et se réunissent pour faire comprendre au pays les avantages de l’expérience qui lui est proposée. Dans une telle crise, il faut