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seulement de ne contrarier par aucune entreprise violente le douteux succès de cette expérience. Elle sait du reste d’avance que la cour de Rome refusera elle-même quelques-unes des conditions importantes de l’épreuve que l’on veut tenter. Ni le gouvernement français ni le gouvernement italien ne sauraient douter un instant que le partage de la dette au moyen duquel le pape pourrait proportionner ses ressources à ses besoins ne soit refusé par la cour de Rome. En transférant au royaume d’Italie la portion de la dette afférente aux provinces qu’il a perdues, le pape reconnaîtrait l’annexion de ces provinces à l’Italie. Toutes les déclarations antérieures de la cour de Rome interdisent de croire que le pape consente à exprimer sous une forme financière une telle reconnaissance. L’expérience, qui, nous le répétons, n’impose à l’Italie aucun sacrifice, commencera donc pour le gouvernement pontifical dans les conditions les plus défavorables.

Lorsqu’on se rend compte de la portée réelle des récens arrangemens et du profit que l’Italie en doit retirer, on est surpris que-ce soit de l’Italie elle-même que nous soient venues les premières interprétations défavorables. Chose curieuse, ce sont les Italiens, que nous avons vus si fins du temps de M. de Cavour, espérant alors souvent contre toute espérance, se riant des apparences contraires et affichant une confiance imperturbable dans le succès de la politique nationale; ce sont les Italiens aujourd’hui qui semblent ne plus comprendre le fin des choses et se montrent indécis et défians. La grande émotion excitée à Turin par la perspective du changement de capitale ne suffit point à expliquer ce phénomène. Cette affaire de la translation de la capitale est en effet le point épineux et peut-être le moins justifié des derniers arrangemens. Que lorsqu’on envisageait la possibilité d’une guerre prochaine avec l’Autriche, on ait songé à placer le centre du gouvernement dans une ville où il ne serait plus à la merci d’un coup de main de l’ennemi, rien de plus naturel ; mais les récens arrangemens sont conçus dans l’hypothèse de la paix, ils doivent donner à l’Italie la sécurité et les ressources de la paix. Pourquoi alors se préoccuper avant toute chose du choix et de l’installation d’une capitale de guerre? Pourquoi contrister le cœur et troubler les intérêts de cette brave population turinoise, qui a tant fait pour l’indépendance de l’Italie et a tant de titres à la reconnaissance nationale? Pourquoi feindre le choix d’une capitale définitive aux dépens de la ville et de la province qui ont le mieux mérité de l’Italie? Il y a dans cette préoccupation de la question de capitale une contradiction mystérieuse que la discussion publique pourra seule expliquer. La principale cause des méprises auxquelles la convention du 15 septembre a donné lieu en Italie, c’est précisément le secret au milieu duquel les combinaisons nouvelles ont été élaborées. On n’a pas compris, parce qu’on n’avait pas été préparé à comprendre par des discussions antérieures. L’opinion a été surprise parce que la manifestation imprévue du fait n’a pas été précédée de la controverse des idées. Il est des momens où la confiance qu’inspire un homme éminent peut suppléer auprès des masses au travail