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teur, expression légère et transparente de la légende provençale, pouvait sans peine accepter, le théâtre, qui obéit à d’autres lois et subit de plus impérieuses nécessités, n’en eût pas voulu. Et en effet ce qui est dans l’âme de Bernard n’est-il pas aussi dans celle de Fleur-de-Mer, et le double de Fleur-de-Mer, c’est-à-dire le Drac, ne devait-il pas suffire aux deux rôles ?

Tel est le caractère général de la nouvelle pièce de George Sand. Pour notre théâtre, livré depuis si longtemps à tant de plates vulgarités, c’est un essai de résurrection de la poésie. L’art dramatique s’efforce aujourd’hui de remonter dans les hautes sphères de l’idéal, et s’il y remonte de cette façon et avec un tel cortège de pensées et de sentimens, il est impossible que le public hésite à l’y suivre, car il ne s’agit pas ici d’un retour contraint et systématique, comme cela s’est vu quelquefois dans ces derniers temps, à des conceptions qui ont vieilli et que l’esprit moderne ne veut plus goûter : c’est le vif même de cet esprit qui est cette fois hardiment touché par le poète. Cette comédie est une de ces œuvres qui fixent par certains côtés l’essence morale et intellectuelle de l’humanité à une heure donnée, et nul ne saurait la voir sans sympathiser avec la noble et philosophique pensée de l’auteur.


JULES GOURDAULT.



ESSAIS ET NOTICES.


On s’est plu à répéter des Français qu’ils ignorent la géographie, et les Allemands paraissent être les premiers qui ont formulé cette accusation, si souvent renouvelée depuis. Les Allemands, il faut le reconnaître, savent mieux la géographie que nous : ils voyagent davantage, leur éducation est essentiellement dirigée vers un but commercial, et, cosmopolites autant que les Anglo-Saxons, ils s’en vont chaque jour par bandes nombreuses, par villages entiers, coloniser du nord au sud les vastes plaines de l’Amérique ; les champs mêmes de l’Algérie les ont vus à plusieurs reprises tracer la voie à nos colons. À ce titre, les fils de la Germanie sont tous quelque peu géographes. Ce n’est pas un Allemand qui eût naïvement demandé sur le Pacifique, en venant de traverser le chemin de fer de Panama, si cette nouvelle mer sur laquelle on naviguait était encore la même que celle qu’on venait de quitter. Cette demande incroyable, nous l’avons entendu faire ouvertement, sans ambages, par un Parisien, notre compagnon de bord, quand en 1859 nous nous rendions de New-York à San-Francisco par l’isthme de Panama. Il faut donc accepter de bonne grâce une accusation toujours si justifiée, et chercher les vrais moyens d’en détruire la légitimité. C’est par des publications populaires rédigées avec soin, avec conscience, c’est par l’enseignement continu et complet de la géographie dans les lycées, où cette science est toujours fort mal professée quand elle n’est pas tout à fait négligée, que nous parviendrons à connaître exactement quelque chose de notre monde terrestre en dehors du petit point que nous occupons.

Jusqu’à ce jour, quel bon livre a-t-on publié sur cette intéressante partie des sciences naturelles, la géographie ? quel progrès a-t-on réalisé