Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/779

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Morte n’offre pas sur le globe l’eau minérale la plus chargée de substances salines : le Grand-Lac-Salé de l’Utah l’emporte encore sur elle, et M. Figuier le saurait, s’il avait pris connaissance, en sa qualité de chimiste, des analyses citées par le célèbre explorateur, aujourd’hui général dans l’armée fédérale, M. Fremont. Un voyageur français, M. Remy, a même trouvé jusqu’à 33 pour 100 de substances salines renfermé dans les eaux du Grand-Lac-Salé, cette Mer-Morte des mormons.

Abordant la question des métaux contenus dans l’eau de mer, notamment l’argent, que des analyses récentes y ont révélé à doses infinitésimales, M. Figuier nous dit que « le vieux cuivre provenant du doublage des navires renferme quelquefois assez d’argent pour qu’on ait songé à l’en extraire. » C’est une erreur, et nous mettons au défi n’importe quel métallurgiste d’avoir retiré du cuivre des vieux doublages autre chose que l’argent que ce cuivre pouvait naturellement renfermer. Un autre métal, le plomb, contient toujours de l’argent. Qu’on prenne un tuyau de conduite, qu’on en passe un morceau à la coupelle, il restera un bouton d’argent. Serait-il exact d’arguer de ce fait que l’eau de pluie ou les eaux ménagères qui ont traversé le tuyau de plomb analysé contenaient de l’argent? Mais que penser de ces lignes par lesquelles M. Figuier termine ses assertions chimiques? « Un calcul assez curieux, nous dit-il, basé sur l’âge des navires et sur le chemin qu’ils ont parcouru pendant tous leurs voyages, a montré que la totalité des eaux de la mer doit tenir en dissolution deux millions de tonnes d’argent. » Comme l’argent monnayé vaut 200,000 francs la tonne, cela ferait 400 milliards. C’est un assez joli lot; mais l’extraction du précieux métal serait hors de prix. Quant à la façon dont l’auteur pose son problème, elle rappelle le problème si fameux dans nos écoles sur la longueur du navire rapportée à la hauteur du grand mât pour connaître l’âge du capitaine.

Nos critiques ne portent pas à faux, car nous citons toujours l’auteur; elles ne sont dictées que par le désir de voir disparaître au plus tôt d’un livre déjà fort répandu des erreurs trop évidentes. Par le fond comme pour la forme, que M. Figuier mette moins de précipitation à produire ses ouvrages, qu’il soigne mieux ses écrits et renonce à de mauvaises compilations. Qu’il étudie lui-même, puisqu’il se donne la mission d’enseigner.

Il eût pu développer devant ses lecteurs les magnifiques théories d’Élie de Beaumont sur le soulèvement des montagnes, les grandes études de Maury sur les courans de l’atmosphère et de la mer, les beaux travaux de Piddington sur la loi des tempêtes. Grands et petits, en assistant au développement splendide de ces hautes conceptions de l’esprit humain, en touchant du doigt ces précieuses découvertes scientifiques de notre temps qui honorent l’humanité tout entière, eussent vu le voile tomber de leurs yeux et remercié l’auteur d’avoir jeté tant d’intérêt dans une description physique du globe. Pour cela, il eût fallu s’abreuver aux sources mêmes de la science, se tenir au courant du progrès. On a procédé de tout autre façon. C’est à peine si l’on cite Maury sans le commenter suffisamment. Élie de Beaumont n’est pas même nommé. M. Figuier, au lieu des orientations mathématiques trouvées par le créateur de la géologie moderne, nous donne une division des montagnes de l’Europe en six groupes imaginaires. Quant à Piddington,