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il n’en prononce pas non plus le nom, il traite des ouragans sans les comprendre, sans se rendre compte du rôle que jouent dans l’économie du globe et sous l’un et l’autre tropique ces tourbillons dévastateurs.

En parlant de grands désastres qui à certaines époques apparaissent également, les tremblemens de terre, les avalanches, l’auteur rappelle des dates bien connues; mais au lieu de citer les vieux livres, pourquoi ne pas être de son temps? L’affreux tremblement de terre qui, il y a quelques années, a entièrement anéanti au pied des Andes, dans la République Argentine, la ville de Mendoza, engloutissant tous ses habitans sous des amas de décombres en une nuit, les violentes secousses non moins terribles qui vers la même époque ont ébranlé la Calabre, semant partout la ruine et la mort, ouvrant dans le sol de profondes fissures, gouffres encore béans, c’étaient là des phénomènes qui pouvaient être rappelés par l’auteur : il n’en dit mot, tout est passé inaperçu pour lui ; mais il nous raconte en grands détails le tremblement de terre de Lisbonne, que tout le monde connaît, il y joint des dessins de l’époque faits à plaisir.

À ce sujet, qu’il nous soit permis de faire une dernière observation à M. Figuier et à quelques autres de ses confrères, trop préoccupés de l’amusement des lecteurs. Les dessins ou plutôt les images dont on a l’habitude d’enluminer certains livres prétendus scientifiques n’ont de valeur qu’autant qu’ils sont exacts. Des vues audacieuses de volcans où, en pleine éruption, des curieux sont penchés sur l’abîme en porte-à-faux, des vues imaginaires de cavernes, de cascades, de tremblemens de terre, sont autant de tableaux fantastiques, et forment de véritables caricatures de paysages, un genre encore inconnu jusqu’ici. La nature, toujours grandiose, toujours belle dans ses créations, toujours sublime même dans ses plus terribles phénomènes, ne mérite pas que le crayon la reproduise si maladroitement, et c’est faire acte de bien mauvais goût que de nous la figurer sous des dehors aussi grotesques.

Dans un de ses précédens ouvrages, la Terre avant le déluge, M. Figuier prêtait le flanc aux mêmes critiques que celles que nous venons de formuler. Son livre a été revu depuis par quelques-uns des maîtres de la science, et aujourd’hui, sauf les vues idéales de paysages de l’ancien monde, restées malheureusement les mêmes, l’œuvre est à peu près exempte d’erreurs. Nous engageons l’auteur à faire également réviser la Terre et les Mers par nos voyageurs et nos marins, par ceux qui savent la géographie pour l’avoir apprise sur le globe, et une partie des erreurs que nous n’avons fait qu’indiquer rapidement disparaîtront ainsi de l’ouvrage. Moins de précipitation, moins de compilation ou au moins une compilation plus lente, plus intelligente, enfin un peu plus de cet esprit de critique et d’examen qui nous vaut les bons livres de science, c’est ce que M. Figuier nous permettra d’attendre de lui dans les prochains et nombreux ouvrages qu’il annonce comme devant faire suite à leurs aînés.


L. SIMONIN


V. DE MARS.