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lieutenans de Maurice, fut dissipée en deux heures, le jour où elle put enfin se dédommager et agir. Qu’importe qu’elle se soit reformée rapidement, comme l’ont remarqué les détracteurs du comte de Saxe ? Il est beau sans doute pour le prince Charles d’avoir pu camper encore sous Maëstricht après une défaite aussi sanglante ; si Maurice n’a pas tiré de sa victoire tous les avantages matériels qu’il s’était proposés, n’est-ce donc rien que d’avoir entretenu la confiance du soldat, de l’avoir accoutumé à vaincre ? Raucoux poursuivait les conquêtes morales de Fontenoy et promettait celles de Lawfeld. Maurice n’aurait déjà plus dit ce qu’il avait écrit la veille encore, que « les Français étaient mauvais manœuvriers en plaine. » On l’entendit après la bataille prononcer ces mots en souriant : « Me voilà raccommodé avec l’infanterie. » L’armée elle-même se sentait bien redevable de quelque chose à cette espèce d’éducation militaire qu’elle venait d’accomplir sous le comte de Saxe. « Il eut un bien beau moment à quatre heures du soir, écrit son aide-de-camp, le marquis de Valfons ; les ennemis en fuite, il revint à son quartier et traversa toute l’armée aux cris de vivent le roi et le maréchal de Saxe ! Chaque brigade lui offrait des drapeaux, des canons, des prisonniers ; c’est le plus grand et le plus émouvant de tous les spectacles. »


III.

Quelques semaines après la victoire de Raucoux, au mois de novembre 1746, l’avocat Barbier écrivait dans son Journal : « On sait que le maréchal de Saxe a presque toute la cour pour ennemie par basse jalousie. » Et à ce propos il mentionnait un bruit dont l’opinion commençait à s’inquiéter. — Le comte de Saxe, disait-on, qui ne tient à rien et n’a besoin de rien, est si dégoûté des intrigues de cour qu’il pense sérieusement à se retirer du service. — Précisément à la même époque (20 octobre), le comte Loss, nous le voyons par une de ses dépêches au comte Bruhl, conseillait à Maurice de retourner en toute hâte auprès du roi pour déjouer les manœuvres de ses ennemis. Maurice ne dédaigne pas ce conseil et arrive le 11 novembre à Fontainebleau, où le roi et Mme de Pompadour lui font le plus gracieux accueil. Les récompenses ne lui manqueront pas. Par un privilège qui n’avait encore été accordé qu’à Vauban après la prise de Philipsbourg (1688) et à Villars après la bataille de Denain, il reçoit six pièces de canon prises sur l’ennemi, avec l’autorisation de les placer à l’entrée du château de Chambord. Il portera désormais le titre d’altesse sérénissime. Qu’est-ce que cela pourtant auprès de l’honneur immérité qui vient d’être décerné au prince de Conti ? Le roi, pour effacer l’affront qu’il a dû lui infliger au mois