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Il y a une force morale qui régit les choses humaines, et ce n’est pas impunément qu’on la brave. Dans l’ivresse du triomphe, on traite de peccadille ce qui offense la loi universelle ; l’homme qui a rendu des services extraordinaires n’a-t-il pas droit à des dispenses ? Est-ce pour lui que sont faites les prescriptions communes ? On rassure ainsi sa conscience, on se grise de sophismes, on dédaigne le jugement de l’opinion publique, et bientôt arrive le jour inévitable où vous êtes soupçonné, accusé, condamné sur les choses mêmes qui devaient vous assurer la reconnaissance du peuple et immortaliser votre nom !

Maurice, qui était venu passer une partie de l’hiver à Paris et à Chambord, repartit le 18 mars 1748 pour Bruxelles, où il allait exercer ses nouvelles fonctions de commandant-général des provinces conquises avec toutes les prérogatives des princes du sang. Il n’avait qu’une pensée, s’emparer de Maëstricht, dominer la Hollande et imposer à la coalition cette paix obstinément refusée depuis trois ans. La tranchée fut ouverte le 15 avril ; le 7 mai, la place se rendit[1]. Pendant ce temps-là, les préliminaires de la paix avaient été ouverts le 30 avril entre la France d’une part, de l’autre l’An-

  1. Il faut rappeler ici, pour être juste, que la première idée de cette campagne, dont l’exécution été si bien louée par Voltaire, appartient au vieux maréchal de Noailles, à celui que Maurice appelait toujours mon cher maître. Les documens relatifs à ce sujet ont été publiés par l’abbé Millot dans ses Mémoires politiques et militaires pour servir à l’histoire de Louis XIV et de Louis XV, composés sur les pièces originales recueillies par Adrien-Maurice, duc de Noailles, maréchal de France et ministre d’état. Paris 1777. 6 vol. Voyez t. VI, p. 242-252.