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le tronc de la presqu’île du Jutland. Les géographes appellent même le Slesvig le Jutland méridional. Or le Jutland, avec diverses îles, dont la plus considérable est Seeland, constitue le Danemark proprement dit.

En devenant plus allemand, le Danemark devint plus féodal ; le joug de l’aristocratie s’appesantit. La royauté voulut le secouer pour son compte. Elle perdit la Suède dans ces luttes, mais y gagna le pouvoir absolu, l’hérédité, et cette popularité comparative que la féodalité a value dans tant de contrées au despotisme monarchique.

Ce despotisme, qui ne prit sa forme régulière que sous Frédéric III, en 1660, ère favorite de la monarchie administrative, alla toujours se modérant pendant la période suivante. Les deux duchés eurent leur part de cette transformation des états danois ; seulement la loi fondamentale, lex regia, en déclarant la couronne héréditaire, la réserva aux descendans mâles de Frédéric III, et à leur défaut aux femmes de sa race, tandis que les duchés restèrent ouverts exclusivement par droit de primogéniture aux représentans mâles des autres branches de la maison d’Oldenbourg. Tel était l’état des choses à la fin du XVIIe siècle, lorsqu’en 1721 des lettres patentes annexèrent plus étroitement le Slesvig au Danemark. Cette incorporation purement politique, et qui n’enlevait pas au Slesvig son administration locale, ses libertés provinciales, fut reconnue et garantie en 1727 par la France et l’Angleterre, même, dit-on, par la Prusse, acceptée par les princes de la maison d’Oldenbourg, immédiatement par la branche de Sonderbourg, qui comprend celle d’Augustenbourg et celle de Glucksbourg, en 1773 seulement par la branche de Gottorp, qui, ayant gagné à la loterie des événemens l’empire de Russie, voulut bien se contenter en Allemagne du vieux duché d’Oldenbourg.

Ainsi constitué, le royaume de Danemark continua de tenir un certain rang en Europe jusqu’en 1807, qu’il perdit sa flotte, et en 1815, qu’il perdit la Norvège pour n’avoir point aussi bien mérité que la Suède de la coalition contre la France. On le força de prendre en dédommagement la Poméranie, qu’il échangea avec la Prusse contre une somme d’argent et le duché de Lauenbourg. Depuis cette époque, cette vieille monarchie s’est recommandée par un bon gouvernement, par des progrès politiques, mieux accueillis, il est vrai, des classes moyennes que de l’aristocratie, mieux compris de l’esprit Scandinave que de l’esprit germanique. À des états provinciaux établis en 1831 ont succédé en 1848 des états-généraux formés de cinquante-deux délégués, élus moitié par le Danemark, moitié par les duchés, et auxquels le roi en ajoutait huit, choisis suivant la même règle d’égalité. Ces assemblées, qui parlaient à