Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/904

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On a dit que la question qui a failli troubler le monde se réduisait à savoir si l’on écrirait Schleswig ou Slesvig. Celle de ces deux orthographes qui est correcte décide de la nationalité. Avec la première, ce petit pays est allemand ; avec la seconde, il est danois. Mais sous cette querelle de mots se cachaient des questions plus graves tant pour le droit que pour le fait. Elles semblaient pourtant résolues tout d’abord par une circonstance décisive : le Holstein faisait partie du cercle germanique ; à ce titre, le roi de Danemark était membre de la confédération. Le Slesvig au contraire ne figurait point au nombre des états confédérés. Il appartenait donc à la royauté danoise dans sa pleine indépendance. Elle y jouissait de toute son autonomie. L’Allemagne ou la diète pouvait dans une certaine mesure, et cette mesure a été bien dépassée, se mêler du régime intérieur du Holstein. Quant au Slesvig, elle n’avait rien à y voir. Toute ingérence dans ses affaires était une ingérence étrangère. L’expression de Slesvig-Holstein est donc un mensonge ; l’unité qu’elle semble affirmer est une fiction imaginée pour les besoins de la cause.

Cette manière fort simple de trancher la question ne serait pas fausse. Cependant l’affaire passe pour des plus compliquées. Je le crois bien : pour justifier des ambitions qu’on dissimule, on a tout dénaturé, tout confondu ; on a rendu fédéral ce qui était international, international ce qui était municipal, diplomatique ce qui était constitutionnel, et prêté des argumens révolutionnaires à des vues de réaction et d’absolutisme. De là cette complication, cette obscurité qui a contribué à distraire les esprits d’une affaire qu’ils ont trouvée trop difficile à comprendre pour s’y intéresser. Bien comprise, elle serait pourtant intéressante. Je me suis souvent représenté M. Thiers se chargeant de l’expliquer devant une assemblée dans un de ces exposés vastes et lumineux que lui seul sait faire. On en verrait sortir dans tout leur jour l’évidence du droit et la gravité du fait. D’un pareil travail, ce n’est ni le lieu ni le moment ; mais il faut caractériser l’affaire dans ses traits principaux pour établir les conséquences que nous en voulons tirer dans l’intérêt français.

Le Danemark est un des anciens états de l’Europe. Il resta purement scandinave jusqu’au milieu du XVe siècle. Il possédait la Suède et la Norvège, l’une dont il a été séparé en 1523, l’autre qu’il n’a perdue qu’en 1815 ; mais c’est en 1448 que l’élément germanique y a pénétré, la couronne ayant passé dans la maison allemande d’Oldenbourg. Christiern Ier, le premier roi de cette dynastie, réunit à ses nouveaux états deux domaines féodaux, le duché de Slesvig et le duché, alors comté, de Holstein, qui forment d’ailleurs la base ou