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II.

Nous écrivions il y a plus d’un an : « Le gouvernement donnera-t-il l’exemple, assez nouveau en France, de se transformer à propos? C’est à cette épreuve que l’attendent les plus clairvoyans de ses amis et de ses ennemis[1]. » Cette question que posaient pour nous les élections, la dernière session la pose plus clairement encore. La nouvelle chambre a été vue à l’œuvre. Quoiqu’elle soit loin d’avoir satisfait à tous les vœux de l’opposition, les plus aveugles des hommes d’état pourraient seuls l’assimiler aux deux premières assemblées de l’empire. A l’exception de ceux qui n’ont que du zèle et que leur dévouement même empêche de bien servir, il y a en dehors de l’opposition un large centre qui sans doute craint avant tout les révolutions, mais qui souhaite avec plus ou moins d’impatience, plus ou moins de mystère, plus ou moins de hardiesse, une certaine modification dans l’organisation et dans la marche des pouvoirs. Là sont ceux à qui l’intérêt même de l’ordre et de la stabilité fait désirer que ces pouvoirs se contiennent les uns les autres; de la liberté politique, ils aiment surtout ce droit de contrôle et de surveillance qui oblige l’administration publique à la sagesse et à la modération. Ce qu’ils ne pourraient souffrir, c’est un ministre de l’intérieur agité et tracassier, un ministre des finances imprévoyant et prodigue. Tous n’admettent pas également que pour éviter les perturbations, qu’également ils redoutent, le meilleur préservatif soit le développement régulier d’un régime franchement constitutionnel; mais les plus éclairés commencent à en être persuadés, et, marchant tous vers un but commun, tous doivent avec un peu de temps s’entendre de plus en plus sur les moyens. L’opposition est numériquement faible dans le corps législatif, mais certaines idées de t’opposition y sont plus fortes qu’elle, et dans le pays elles gagnent chaque jour du terrain. Comme le gouvernement a joui jusqu’ici et jouit encore d’une absolue liberté d’action, ce qui se passe autour de lui en prend plus d’importance. Tout est naturel et nécessaire dans ce qui lui arrive. Il a seul agi; aucune politique n’a entravé la sienne. La situation des affaires est donc son ouvrage et celui du temps.

Le fait qui la domine depuis une année, le réveil de l’esprit libéral dans toutes ses nuances, a pour principal caractère une incontestable spontanéité. Il y a eu un temps où l’on pouvait dire les manifestations de l’opinion provoquées par les manœuvres des partis, par l’influence de la presse. Les gouvernemens se sont plaints sans cesse qu’on leur débauchât la France. Ils méconnaissaient jus-

  1. Revue du 15 juillet 1863.