Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/926

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rant qui y conduit. Ce devrait être une sagesse facile, et c’est une sagesse rare que d’éviter cet entêtement ou cette infatuation qui a égaré tant de gouvernemens, différens de forme et d’origine. A tous il faut répéter sans cesse : Réformez-vous à propos. Apparemment c’est une résolution qui coûte beaucoup à prendre en France, peut-être à cause du rôle immense que l’amour-propre y joue dans la politique. Que d’hommes d’état y eussent été des hommes du premier ordre, si on leur avait ôté la vanité !

« Soit, peut-on nous dire, l’opinion se modifie, et les circonstances avec elle; mais faut-il donc leur obéir à commandement, si le changement qu’elles paraissent réclamer est en soi imprudent et nuisible? Une certaine manière de gouverner a réussi un temps; il plaît au caprice public de la trouver surannée. Est-ce une raison d’y renoncer et de tenter des nouveautés suspectes? Céder au vent est-il tout l’art du pilote? La résistance n’est-elle pas quelquefois habile, et doit-on essayer du mal parce que le bien paraît vieilli? » Nous sommes ainsi ramenés à la question fondamentale, à l’option entre les deux politiques, la libérale et l’autre.

Voyons donc si la première est en elle-même une politique de perdition. Que demanderait-elle de si monstrueux? Par exemple, l’abandon définitif de la loi extraordinaire de sûreté générale. Née de l’attentat d’Orsini, qu’elle n’eût pas empêché, cette loi a été l’accompagnement de la retraite de M. Billault, rappelé depuis et avec tant de confiance et pour une si haute fortune si promptement perdue. Elle allait de pair avec le ministère inattendu et si profondément oublié du général Espinasse. Assurément ce n’est pas aux amis du gouvernement de prétendre qu’après douze ou quinze ans d’existence, après s’être si souvent prévalu des témoignages de l’assentiment national, il ait besoin des mesures préventives dont on se passait avant lui, et que le code d’instruction criminelle ne lui puisse suffire. Ce qui donne à la force un air de faiblesse, au risque de la rendre odieuse, ne peut être une prérogative qui vaille ce qu’elle coûte.

Après les discussions auxquelles a donné lieu la vérification des pouvoirs, les difficultés que vont présenter désormais les élections politiques ne permettent plus de persévérer dans les doctrines et les pratiques électorales qui ne pouvaient convenir qu’à des temps où les suffrages n’étaient pas disputés, où les populations consentaient à recevoir de l’administration la désignation de ceux à qui elles devaient leur confiance. Le temps des élections sans conteste est passé, et le prestige des candidatures officielles a fort diminué. A mesure que l’élection devient plus sérieuse et plus débattue, on cesse de pouvoir aisément maîtriser le suffrage universel en opposant l’esprit municipal à l’esprit public. Les lois actuelles qui