Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/944

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il faut être sûr qu’on le tient, et pour cela en éprouver plusieurs fois la vitalité et la force ; il faut le contraindre à manifester tout ce qu’il est et tout ce qu’il peut. « La nature se trahit plus pleinement, dit Bacon, quand l’art la presse et lui fait violence que lorsqu’elle est laissée en liberté. » Il faut obtenir de la nature « des coups de lumière » qui éclairent à nos yeux ses énergies essentielles et ses aptitudes favorites. Donc il faut observer et expérimenter. Cette règle est universellement acceptée. En l’appliquant, la psychologie a désarmé beaucoup de ses anciens ennemis et tient en échec ses nouveaux adversaires. Eh bien! c’est M. Alaux, un sincère ami de la psychologie, qui condamne aujourd’hui la méthode d’observation, coupable, à ses yeux du moins, de n’avoir jamais donné qu’une certitude incomplète, au lieu de la certitude rationnelle et mathématique dont la philosophie a besoin. A l’observation, ce défenseur du spiritualisme prétend n’emprunter qu’un fait, un seul, par exemple l’existence du moi, et sur ce fait unique construire la philosophie tout entière. Comment? En faisant passer ce fait à travers les idées rationnelles de cause, de substance, d’espace, de temps, de nombre, en imprégnant ainsi ce fait de réalité métaphysique et de certitude rationnelle, enfin en tirant de cette sorte d’œuf, par une déduction infaillible, le système complet des êtres et des choses. Cependant ni la ténacité de l’auteur, ni son amour des âpres difficultés, ni son ardeur à les aborder de front, ni ses efforts pour les tourner quand il ne peut les emporter de haute lutte, ne réussissent à changer les conditions essentielles de la science de l’esprit. L’observation y demeure reine et maîtresse. Chassée d’un côté, elle rentre de l’autre. Le trop hardi psychologue, qui s’est flatté de ne demander à l’expérience qu’un premier fait et qui l’a congédiée ensuite, est obligé de la rappeler à la fin. Et pourquoi faire? Pour vérifier, dit-il, l’exactitude des résultats de son induction rationnelle. Or de deux choses l’une : ou ces résultats sont mathématiquement exacts, et alors l’expérience n’a pas à les vérifier, ou bien votre méthode inductive n’a pu revêtir la rigueur abstraite des mathématiques, et dans ce cas la sagesse commande de s’en tenir à l’ancien procédé, c’est-à-dire à l’induction expérimentale[1].

Là est le salut, là aussi le progrès. Ainsi nous croyons être en droit de le dire en terminant la première partie de cette étude, les récens débats n’ont ni ébranlé le point d’appui du spiritualisme, c’est-à-dire l’existence des faits internes et invisibles, ni infirmé à un degré quelconque la puissance de sa méthode initiale, c’est-à--

  1. Voyez dans le traité de M. Adolphe Garnier, les Facultés de l’âme, ce qui est relatif à l’induction.