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drop of mortar (goutte de mortier du diable). C’étaient les restes d’un ancien phare romain destiné à diriger pendant la nuit l’entrée des navires dans le goulet du port. Il vint pourtant une époque où l’on cessa d’éclairer les bords de la mer. Durant tout le moyen âge, on songeait beaucoup moins à protéger les intérêts de la navigation et du commerce qu’à se défendre contre des surprises et des coups de main. À quoi auraient alors servi les phares ? À guider les pirates vers leur proie et à signaler aux ennemis les côtes de l’Angleterre. La Grande-Bretagne d’alors ressemblait à la sèche, qui, pour échapper à un danger, fait la nuit autour d’elle en répandant dans les eaux une liqueur noirâtre. La prudence voulait qu’après le coucher du soleil Albion disparût dans ses ténèbres. Les étroits défilés de mer, les rochers, les écueils, les mille périls dont ses côtes sont entourés, lui faisaient ainsi une sorte de forteresse naturelle que nul n’osait braver. Une conséquence bien évidente de ce système était que dans ce temps-là on ne naviguait point la nuit. Tout annonce qu’un tel état de choses se prolongeait encore sous le règne d’Élisabeth, lorsque vers 1600, pour satisfaire à des réclamations particulières, un certain Bushall créa deux phares à Caister, qui furent bientôt suivis de deux autres à Lowestoft. Une telle innovation devait rencontrer nécessairement quelque résistance, et ce qui est curieux, c’est que cette résistance partit surtout de la société maritime qui fut chargée de veiller plus tard en Angleterre à l’entretien de ces mêmes lampadaires de l’Océan.

Aujourd’hui la question de l’éclairage des côtes britanniques ne divise plus personne. Il y a seulement un choix à faire, selon les localités, entre deux procédés bien distincts : on peut fixer la lumière soit à un navire, soit à une tour. Dans le premier cas, on a ce qu’on appelle un light-vessel, un vaisseau-fanal, dans le second cas, un light-house, un phare. Avant d’examiner l’une et l’autre méthode, il convient d’étudier le système administratif qui préside chez nos voisins à la disposition de ces feux chargés d’indiquer dans les ténèbres la ligne des rivages ou la présence d’un écueil. Les phares, dans la Grande-Bretagne, ne sont point, comme en France, entre les mains de l’état, quelques-uns d’entre eux appartiennent à des villes ou à des autorités locales ; mais ils relèvent généralement d’anciennes et vénérables sociétés maritimes qui ont joué un grand rôle dans l’économie politique de la nation.

I.

En face de la Tour de Londres ou plutôt des anciens fossés de la citadelle, convertis en une promenade charmante, s’étend une belle