Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/955

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

psychologues et aux nouveaux critiques de la psychologie : que pensent-ils de la nature même de l’esprit, c’est-à-dire de son essence matérielle ou immatérielle?


III.

Le principe qui pense, veut, aime, hait, souffre et jouit en nous est-il simple, indivisible, immatériel? Suivant qu’on répond oui ou non à cette question, on est spiritualiste ou matérialiste. C’est en vain que l’on reconnaît des faits invisibles et la possibilité de les observer et de les classer : si l’on rapporte ces faits à un sujet matériel et composé, par cela seul on n’est plus spiritualiste. Le oui ou le non est ici de la plus grande importance, car si le principe pensant est matériel, composé, divisible, ou, ce qui revient au même, s’il n’y a pas d’âme, la liberté, le devoir et Dieu deviennent autant de non-sens. Laissons toutefois de côté (bien qu’à regret) les conséquences psychologiques, morales et religieuses du matérialisme, quelque immense et déplorable qu’en soit la gravité. Ne regardons, pour le moment, qu’à la vérité des choses et à leur fausseté. Est-il vrai que la pensée soit une propriété de la matière? Est-il seulement concevable qu’un sujet divisible et multiple puisse penser? Puisque des points dont on avait chèrement conquis la certitude, et qui semblaient désormais établis, sont de nouveau remis en discussion, il faut bien, pour en maintenir l’évidence, réfuter de nouveau les anciennes objections qui reparaissent. « Les vérités philosophiques, a dit avec une haute raison M. Barthélémy Saint-Hilaire, n’ont de valeur qu’autant qu’elles sont discutables; elles ne s’imposent pas à notre raison comme les axiomes de la géométrie ; elles ne peuvent sauver l’homme ou le perdre que parce qu’elles peuvent être toujours ou librement admises, ou librement rejetées.» Quand on a ainsi compris le caractère libéral de la philosophie, on accepte, sinon sans tristesse, au moins sans murmure, les combats incessans qu’elle impose à ceux qui la servent; on voudrait alors non-seulement vaincre les adversaires des principes qu’on a longuement éprouvés et reconnus comme vrais, on voudrait encore, et surtout, convaincre les intelligences conciliantes que n’enchaîne aucun parti-pris. Cette double entreprise est difficile et rarement couronnée de succès ; mais il est beau de la tenter à tout risque. D’ailleurs la vérité a des ailes, et quand on l’a dégagée de ses entraves, repoussée d’un côté, elle dirige ailleurs son vol, et trouve toujours où porter ses bienfaits et sa lumière.

Quelles sont donc les nouvelles entraves qui empêchent la vérité la plus essentielle du spiritualisme de poursuivre son chemin? En