Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/970

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chaque adulte rendu dans la colonie. Ce système était simple, mais ne présentait que des garanties insuffisantes : les navires affectés aux transports étaient souvent mal choisis et mal disposés; la nourriture y était mauvaise; la mortalité était grande parmi les hommes embarqués; de plus l’indiscipline et l’immoralité régnaient à bord, et les jeunes émigrans réunis pendant plusieurs mois dans un étroit espace y puisaient trop souvent une corruption précoce. Aussi l’on essaya de recommencer ce que le docteur Lang avait fait pour les premiers artisans amenés à Sydney : des ouvriers de bonne volonté étaient recrutés et embarqués sans frais, à la condition qu’ils rembourseraient sur leur salaire une partie du prix de passage. Cette combinaison eut peu de succès parce que les émigrans, se trouvant endettés avant même d’avoir mis le pied sur le sol de leur nouvelle patrie, n’étaient pas encouragés au travail par l’intérêt personnel. S’acquitter de l’avance qu’on leur avait faite était une lourde charge à laquelle beaucoup d’entre eux cherchaient à se soustraire, prétendant qu’ils avaient été trompés quant aux avantages que la colonie était en état de leur offrir.

Plus ou moins active suivant les ressources que la vente des terres domaniales rendait disponibles, l’émigration a coûté jusqu’à 7 millions de francs en certaines années très prospères, vers 1840 ou 1841 . Les Irlandais formaient la majorité des nouveau-venus, ce qui, en raison de ce qu’ils appartenaient à la religion catholique, amena quelques réclamations des sectes dissidentes. Le gouvernement répondait que l’Irlande fournissait d’excellens ouvriers agricoles, laborieux et de bonne conduite, tandis que l’Angleterre proprement dite n’aurait envoyé que des ouvriers de manufactures, sa population rurale n’étant pas assez dense pour émigrer en masse. De 19,523 colons qui arrivèrent en 1841, 4,563 étaient Anglais, 1,616 Écossais, et 13,344, près des deux tiers, Irlandais. Le nombre des décès survenus pendant la traversée était de 630, soit près de 3 pour 100, résultat qui n’avait rien d’excessif. Tous ces immigrans trouvaient d’ailleurs aisément de l’emploi aussitôt qu’ils étaient débarqués. Une association s’était formée à Sydney pour centraliser tous les renseignemens utiles aux nouveaux colons; elle correspondait avec les magistrats et les principaux propriétaires de chaque district, s’enquérait de leurs besoins et leur envoyait les hommes demandés; elle s’entendait même avec les commissaires de l’émigration en Angleterre, leur indiquant quelle sorte d’hommes convenait le mieux au pays et en quelle quantité il fallait recruter les gens de chaque métier.

Pendant les quinze années qui précédèrent la découverte de l’or, l’émigration fut la grande affaire des colonies australes. Commis-