Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/973

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patrièrent volontiers, mais qui étaient peu propres en général à tenir leur place dans un monde à demi sauvage. Dressées pour la plupart à gagner leur existence par des travaux de couture, elles ne possédaient pas toujours la variété d’aptitudes nécessaire à la femme au sein d’une société nouvelle. Elles étaient placées d’abord comme servantes chez les anciens colons. A certaines époques, elles arrivaient en si grand nombre qu’il était impossible de leur trouver tout de suite de l’emploi. D’ailleurs ces jeunes filles avaient besoin d’être protégées depuis le moment où elles quittaient la ville natale jusqu’à ce qu’elles eussent trouvé une position stable dans leur nouvelle patrie. Peut-être le gouvernement eût-il été impuissant à régulariser lui-même ce mouvement d’émigration et à donner toute sécurité à cette classe intéressante de jeunes voyageuses; mais une femme d’un grand mérite et d’une activité prodigieuse, mistress Chisholm, s’y consacra avec un dévouement infatigable. De 1840 à 1845, pendant une période de temps où le pays prit un accroissement considérable, elle établit à Sydney une maison de dépôt où les nouvelles arrivées pouvaient attendre qu’elles eussent trouvé une position. S’étant mise en relation avec les colons de l’intérieur aussi bien qu’avec les habitans des villes, elle savait toujours vers quel point il convenait de diriger ses protégées. Puis elle était leur avocat d’office, poursuivant la réparation des torts qu’elles avaient éprouvés durant la traversée, préparant leurs contrats d’engagement avec les maîtres qu’elles allaient servir, les conduisant elle-même par troupes jusqu’aux localités où elles devaient demeurer; enfin elle restait leur protectrice au milieu des dangers qu’une société troublée présentait à des femmes novices et sans expérience. Les services que mistress Chisholm a rendus ont compté pour beaucoup dans l’amélioration notable qui est aujourd’hui constatée dans les mœurs de la colonie.

Les émigrantes ne furent choisies pendant longtemps que dans les basses classes de la société anglaise. C’étaient, à peu d’exceptions près, des orphelines ou des filles de paysans pauvres qui se contentaient à leur arrivée d’être employées comme servantes dans les familles de colons; encore reprochait-on aux Irlandaises, qui étaient les plus nombreuses, leur malpropreté habituelle et une ignorance complète des usages de la vie. Peut-être y avait-il souvent aussi un préjugé de religion contre ces jeunes filles, qui étaient presque toutes catholiques. Elles se mariaient bientôt, mais étaient peu capables, faute d’éducation première, de relever le niveau moral de la colonie. La société coloniale demandait cependant des femmes plus distinguées. On commença d’abord, ceci est à remarquer, par réclamer des gouvernantes. Les squatters enrichis par le commerce