Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/977

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dans la contrée ni même parcourir les routes les plus fréquentées sans avoir à craindre la rencontre de bandits, vivant de meurtre et de rapines, qui venaient attaquer les voyageurs jusque dans le voisinage de la capitale. La dépense de garde et de surveillance de ces nombreux condamnés absorbait une forte part des ressources locales. Quant à ceux qui, après avoir accompli le temps de leur détention, s’étaient établis dans le pays, et y étaient connus sous le nom d’emancipists, ils étaient encore poursuivis par la réprobation sociale, et l’on attribuait à leur présence, non sans raison, la répugnance que le gouvernement anglais témoignait à doter l’Australie d’institutions libres. Touchée de ces plaintes, la chambre des communes demandait en 1839, à la suite d’une enquête parlementaire, que la déportation fût supprimée sur le continent austral, et que les convicts ne fussent plus envoyés qu’à l’île de Van-Diemen ou à l’île Norfolk, où il était plus facile de les surveiller. Plus tard, en 1844, l’Angleterre, ne sachant plus comment se débarrasser des nombreux criminels condamnés par ses tribunaux, voulut au moins envoyer en Australie ceux qui avaient subi un emprisonnement de quelques années, et qui avaient appris dans les maisons de détention un métier au moyen duquel ils pouvaient gagner leur vie. Malgré les protestations de la colonie, plusieurs navires amenèrent en effet à Port-Phillip des hommes de cette catégorie. Enfin, deux ans plus tard, sur l’avis qu’il avait été résolu à Londres de remettre en vigueur l’ancien système de transportation, les habitans de la Nouvelle-Galles du Sud s’émurent des dangers dont cette résolution menaçait la paix publique et la sécurité de leur territoire : ils tinrent de nombreux meetings adressèrent à l’Angleterre des pétitions couvertes de milliers de signatures, et organisèrent une ligue pour la suppression définitive de la transportation. Il est digne de remarque que les emancipists et les descendans des anciens convicts montrèrent autant d’ardeur que les immigrans volontaires contre le retour à un établissement pénal. Ces efforts furent couronnés de succès : les envois de condamnés cessèrent tout à fait. Cependant on ne peut dire que la déportation soit virtuellement abolie; elle est seulement tombée en désuétude, et le gouvernement impérial ne s’est jamais engagé à ne plus expédier aux antipodes les hommes qui sont un embarras pour l’Angleterre. La suppression de fait ne fut pas d’ailleurs accordée en même temps à toutes les provinces, car le régime pénitentiaire fut encore appliqué à la Tasmanie jusqu’en l’année 1853.

On ne sait pas au juste combien la Grande-Bretagne a expédié de condamnés en Océanie pendant le demi-siècle que la transportation a duré. Pour la Tasmanie seulement, on en évalue le nombre