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agglomération d’hommes, n’a jamais été le siège d’une épidémie.

On serait bien embarrassé d’expliquer au juste à quoi tient la salubrité du climat australien. Dire que, dans un pays neuf et longtemps abandonné, la nature a des forces toutes fraîches, et que dans l’ancien monde elle s’est épuisée à produire tous les ans, c’est se contenter d’une explication bien vague. On a voulu trouver la raison de cette exubérance de vie dans un phénomène purement chimique. L’atmosphère contiendrait, dit-on, en plus grande abondance que partout ailleurs un agent mystérieux, l’ozone, qui joue un rôle important dans la végétation des plantes et la respiration des animaux[1]. La douceur du climat, qui permet de vivre en plein air pendant au moins dix mois de l’année, n’est pas assurément non plus sans influence sur la santé des habitans. Il faut encore tenir compte de ce que le taux élevé des salaires et le bon marché de la viande font qu’une nourriture substantielle est accessible aux plus pauvres. La pureté habituelle de l’air, les exercices variés de la vie coloniale, l’abondance des alimens, ne peuvent agir d’ailleurs que dans un sens favorable sur l’état physique et moral des immigrans, qui la plupart ont abandonné le climat brumeux de l’Angleterre et une vie de privations pour une existence si différente. On a remarqué que les maladies les plus fréquentes dans la population transplantée d’Europe aux antipodes ne sont plus les mêmes; ainsi la phthisie, qui exerce tant de ravages en Angleterre, est peu commune en Australie, tandis que les affections intestinales y sont plus fréquentes. Le même contraste se produit entre les saisons, l’hiver étant la saison la plus salubre du nouveau continent, tandis qu’il est marqué dans les pays froids de l’Europe par une mortalité plus grande. Les mois chauds de l’année sont plus particulièrement nuisibles aux jeunes enfans, dont il meurt un nombre deux fois plus grand pendant l’été, de janvier à avril, que pendant l’hiver, de juillet à novembre.

Les statistiques semblent confirmer que la vie moyenne de l’Européen transplanté aux antipodes sera au moins aussi considérable que dans les contrées les plus saines de l’ancien monde. On objectera peut-être que les immigrans, étant en général adultes et dans

  1. L’ozone, signalé par M. Schœnbein, qui s’était déjà fait connaître en dehors du monde savant par des découvertes ingénieuses dont la plus célèbre fut le pyroxile ou coton-poudre, ne parait être qu’une modification de l’oxygène. Ce gaz deviendrait sous cette nouvelle forme plus assimilable et plus propre aux fonctions vitales. Les expériences ozonométriques que de savans médecins poursuivent en divers pays sont encore tellement restreintes qu’il n’est guère possible d’ajouter une foi complète aux indications qu’elles fournissent. Peut-être donneront-elles la clé de bien des phénomènes physiologiques qui paraissaient bizarres. Il suffira de dire que les plateaux élevés et le littoral sont plus riches on ozone que les plaines, et surtout que les vallées étroites. L’influence de cet agent invisible sur la salubrité n’est donc pas sans fondement.